1878 : Étude sur la romaine de l’Oisans (X)

1878 : ÉTUDE SUR LA VOIE ROMAINE DE L’OISANS (Partie X)
Remerciement à M. Alain Pellorce qui nous a confié ce document.

Dixième partie du document découvert dans une maison de Clavans

Où il est question de cérémonies et sacrifices druidiques, de la voie qui passait vers Oz, Huez et Allemont, de l’origine du nom « Poutram », d’une barrière, et de la raison d’être puis de la disparition de la Voie secondaire et d’un certain lac aujourd’hui disparu.

L’endroit était d’ailleurs bien choisi pour les cérémonies druidiques.  Ces blocs occupent le centre d’un haut lieu, enfermé avec le lac dans un cercle naturel de roches qui pouvait assurer la sécurité contre tout trouble extérieur, pour les réunions qui venaient assister aux sacrifices. 
Le brisement de ces blocs, loin de nuire à l’hypothèse druidique et au rôle supposé pour eux, serait au contraire un argument en leur faveur. Les romains ayant résolu l’anéantissement du druidisme dans les Gaules, parce qu’il prêchait contre eux la résistance, un décret du Sénat romain ; sous l’empereur Claude, en l‘an 43 de notre ère, ordonna l’abolition de ce culte et la destruction des monuments qui lui avaient servi. 
En exécution de ce décret, le bloc druidique du lac Blanc aurait été mis par l’action du feu dans l’état où il se voit aujourd’hui.  Cette digression, dont nous soumettons pleinement l’appréciation au jugement des archéologues, nous ramène aux Romains et à la domination puissante qu’ils exerçaient dans le premier siècle de notre ère sur le pays et les montagnes parcourues par la voie secondaire.
Le chemin des Rousses n’était pas le seul qu’elle fournit aux exploitations, un autre chemin, moins large que le premier et probablement destiné aux piétons, la quittait sur la limite des Brandes pour aller vers les lacs Bessons et escalader au dessus d’eux les Petites Rousses, jusqu’au chemin 1 des Gdes Rousses.
Arrivée au bout du plateau des Brandes, la Voie secondaire abordait les montagnes d‘OZ. Franchissant à Chavanu le col de Poutram, elle descendait en contours multipliés le long du vallon et traversait des forêts magnifiques, dont on voit des restes, puis après avoir lutté pendant 2 heures au moyen de circuits, contre les difficultés d’une pente assez raide elle arrivait à OZ par le Vallon et la rive gauche du ruisseau du Bessey
Des restes bien évidents de cette voie se remarquent çà et là sur tout ce trajet. Le long de cette descente, la Voie secondaire, à qui les habitants d‘Oz et ceux d‘Huez, ont conservé le nom de VIA DE POUTRAM, recevait divers chemins de communication avec les montagnes et populations voisines. L’un de ces chemins passe sur la montagne de la Cuche avec une largeur de 4 m. comme la Voie, parait avoir été établi par les Dauphins, pour suppléer au défaut de cette Voie, que des avaries avaient interceptée. Ce chemin porte le nom de chemin du prince Ladre, tandis que le vieux chemin qu’il suppléait
était toujours appelé VIA DE BRANDES OU DE POUTRAM.
Le nom de Poutram, donné au vallon par lequel la voie secondaire descendait de Brandes, semble avoir une signification particulière pour la voie elle-même. On a vu que la surveillance du pénitencier de Brandes imposait la garde des communications de la montagne, et qu’à Cluys, il devait exister une  barrière contre l’évasion des condamnés. Dans le vallon descendant à OZ, une autre barrière paraît avoir été établie, au moyen d’une porte, pouvant fermer l’accès de la montagne à la curiosité ou à la fraude. Cette porte fixait une ligne de démarcation pour des catégories de personnes; elle devait dans ce but être gardée par un poste militaire situé un peu au dessus de la Voie sur la colline de Poutram, et désigné par les mots latins AD PORTAM. De ces deux mots, par corruption est issu le nom actuel de Poutram, lorsque la voie n’a plus passé par là et que des habitations alpestres sont venus se construire sur les ruines du poste romain.
La prolongation de la voie secondaire au delà de Brandes et de ses exploitations, indique que là n’était pas son but principal. Sa destination était le lieu stratégique qu’elle établissait à travers la chaine de Belledonne, avec la voie romaine de la vallée supérieure de l’Isère. Il n’est fait mention d’aucune station sur le trajet de cette voie, mais, il est à croire que la localité d’Oz, très ancienne et probablement antérieur aux romains, a pu suffire aux besoins d’une halte de ce genre, lorsque la troupe romaine venait à passer par là. Cette halte était d’ailleurs à peu près conforme aux distances voulues, depuis les Châtains d’Auris. Près d’arriver à Oz, la voie secondaire voyait se détacher d’elle un chemin latéral qui allait, par le Follet et l’Enversin, traverser le Flumet , au bas des cascades de la Pisse, et montait par les pentes des Petites Rousses au col de la Cochette, à la rencontre du chemin des Gdes Rousses (Cascade de la Rere ? il me semble. JC.)
Lorsqu’elle avait dépassé le village d’Oz, la voie arrivait bientôt sur les bords du torrent de l’Eau d‘Olle, qu’elle franchissait. Puis se développant sur les pentes de la rive droite du torrent, elle prenait son essor vers le col de la Coche, en passant au Mollard, de là au dessus de l’Articol et de la cascade du Frénet. Traversant ensuite les bois de la Gardette, les rochers et les terres du RIVIER d’ALLEMONT, elle montait par de grands contours jusqu’au col de la Coche. Dans ce trajet, les traces de la voie ont été en grande partie anéanties par les cultures, néanmoins on en retrouve encore quelques unes au Mollard, dans le sentier très large en certains endroits, qui fait communiquer ce dernier village avec celui de l’Articol, au dessus de la cascade du Frénet et dans les bois voisins. A partir d’Articol ces traces correspondaient a peu près avec le tracé actuel du chemin nouveau de grande communication de l’Oisans avec la Savoie. Les plus apparentes sont sur le chemin du Rivier à la coche, et sur le col de ce nom, près du petit lac qui borde le chemin, et qui est en partie pavé lui-même. Au delà du col de la Coche, cette voie n’appartenait plus à l’Oisans et elle allait se confondre, à Laval, avec la voie de la vallée supérieure de l’Isère qui passait à Theys.  
L’histoire locale cite l’année 1181 comme ayant été désastreuse pour l’Oisans, par la submersion totale de sa vallée principale et par l’impossibilité absolue des communications sur la plaine. Cette affreuse situation dura près d’un demi siècle. Durant tout ce temps, la voie secondaire, dont nous venons de retracer le parcours, eut à remplacer, pour la plupart des communautés de l’Oisans et pour le Briançonnais, la Voie principale que les eaux avaient engloutie dans son passage sur le bas de la plaine, et elle en remplit très utilement le rôle. La situation ayant changé, la voie de la Coche fut oubliée et la voie primitive put retrouver sur la plaine une issue vers son ancien trajet. Mais ce fut pour un temps assez court; dès le siècle suivant elle était à peu près inactive et enfin totalement délaissée.
Une erreur a été quelquefois commise concernant le passage de la voie secondaire dans la vallée d’Olle jusqu’au col de la Coche. Au dessus des forêts qui couvrent les flancs des montagnes de la rive droite de cette vallée, on trouve, depuis les terres d’Allemont jusqu‘au col de la Coche les restes d’un vieux chemin, que l’on a cru être ceux de la voie secondaire.
Ce chemin qui n’avait que 2 mètres de largeur, est un des derniers vestiges de la féodalité en Oisans. Après la catastrophe de la plaine, les seigneurs d’Allemont, d ‘Oz et de Vaujany, qui habitaient hors du pays, ne pouvant plus venir visiter leurs terres et leurs vassaux par la voie habituelle, que l’inondation retenait captive, établirent sur les hauteurs de la vallée d’Olle, pour leur usage et pour la surveillance de leurs propriétés, un chemin qui, du col de la Coche, suivait la lisière supérieure des forêts jusqu’à Cotessard et descendait par la Combe sur les terres d’Allemont, d’où il rendait au manoir de chacun. De ce chemin il est resté un sentier qui sert aujourd’hui à  l’exploitation des bois et pâturages, le chemin DES SEIGNEURS, auxquels il a dû son origine.

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