1785, Voyage de Dhellancourt en Oisans 2e partie

1785, VOYAGE DE DHELLANCOURT EN OISANS
Cahier publié par Paul Guillemin (avec une carte que je n’ai pas retrouvée)
Imprimerie F. Allier Père et Fils Grande-Rue Cour de Chaulnes, 1892

D’autres voyages scientifiques en Oisans : 

Lien : première partie

Deuxième partie
Graphie du texte original respectée.

Mine de fer micacée attirable à l’Aimant. Au pic de Bec, l’une des cimes de cette montagne de la Sure, se trouve une mine de fer micacée. J’en ai vu plusieurs morceaux qui agissoient très fortement sur le barreau aimanté. Quelques-uns même se sont trouvés avoir deux Pôles. Le pic du Bec était couvert de neige lorsque je fus dans le pays.
Il pourrait être intéressant sans doute de connoître mieux l’intérieur de la montagne de la Sure et d’y tenter quelque exploitation plus régulière que celle que pratiquent les paysans ; mais de grands obstacles s’opposeroient à la réussite de cet établissement. D’abord la disette extrême de bois dans tous ces environs, où les habitants mêmes ne brûlent que de la fiente de bestiaux desséchée, les escarpements et les précipices qu’on rencontre à chaque instant premettroient difficilement de faire sur cette montagne des chemins praticables même pour des hommes à pied. D’ailleurs ce pays marque de débouchés et n’a que des communications difficiles et très souvent interrompues avec les plaines du Dauphiné et le reste du monde. Quelques habitants m’ont dit que pendant l’hiver leurs maisons sont ensevelies souvent jusqu’aux deux tiers de leur hauteur par les neiges. Ces malheureux alors manquant de combustibles n’ont d’autres ressources pour se soustraire au froid qui les feroit périr, que de se réunir dans les écuries ou les étables avec les bestiaux qu’ils y nourrissent de fourrages secs amassés pendant l’été. La rareté du bois expose aussi ces habitants à manquer de pain. Ils récoltent, sur quelques pentes les moins rapides des montagnes, du bled sarrasin et de l’orge, et cette récolte suffit pour leur provision, mais leur embarras est de cuire la pâte qu’ils ont formée avec ces grains : aussi, quand ils ont pu amasser assez de bois ou de paille pour chauffer le four banal du village, ils cuisent alors du pain pour plusieurs années. J’ai goûté de leur pain cuit de deux ans (cet usage persistant dans le pays. Les Clappes de pains doux se conservent plusieurs années dans une resserre aérée. Nous ne connaissons pas de meilleurs moyens de se préserver de la soif et de l’essoufflement que de mettre un morceau de ce pain dans la bouche pendant une course.), il étoit très compact et aplati à peu près comme les biscuits de mer, on est obligé de le casser avec le marteau et de le laisser tremper dans un liquide avant de pousser le manger.

La rive droite de la Romanche opposée à la montagne de la Sure, est composée d’un amas de schistes argileux qui s’approchent de l’état d’ardoise. Ces schistes sont pénétrés d’une infinité de petites veines calcaires. Ils recouvrent en grande partie les montagnes granitiques qui bordent la Romanche de ce côté, comme de l’autre, en s’étendant sur une direction moyenne du sud-est au nord-ouest.

Il paroît qu’il a existé à cet endroit un bassin considérable dont les eaux ont déposé successivement les bancs schisteux qu’on y trouve. En examinant cette partie de terrain avec un peu d’attentions, on voit bientôt que ces dépôts sont une suite nécessaire de la direction des courants qui avoient lieu. Les eaux qui forment la Romanche viennent du sud-ouest. On aperçoit vers le sud-est une gorge profonde à l’origine de laquelle je n’ai pas remonté, mais dont la direction fait angle de 70 à 80° avec la gorge plus large et plus profonde encore dans laquel la Romanche commence à couler au pied des glaciers. La résultante de ces deux directions, supposant les forces égales, devoit tendre au nord-nord-est ;  mais les eaux de la Romanche ayant plus de volume, comme on en peut juger par la différente capacité des lites séparés des deux courants, cette rivière a dû conserver une influence proportionner à son impulsion successive et dévier les eaux de la direction nord-nord-est, en les amenant jusqu’à l’est. La rapidité du courant diminuant à mesure que les parties du fluide divergeoient et s’éloignoient de la résultante des deux directions, les eaux devoient arriver vers l’est et ne conserver qu’un mouvement circulaire assez faible pour laisser déposer dans cette partie les matières qu’elles charrient et y former des atterrissements, ce qui est arrivé en effet. Ces dépôts se sont élevés peu à peu au point de former eaux même une digue qui resserre actuellement les eaux de la Romanche dans un canal étroit et très creux au pied de la montagne de la sure. C’est sur une partie de ces anciens dépôts qu’est situé le village de Villar-d’Arène.

À environ 200 toises d’élévation au-dessus de ce village, vers l’Orient, il existe un lac (C’est le lac du Pontet, ou étang d’Arrachan. Depuis la visite de Dhellancourt, le lac a encore diminué ; les mouvements de bascule des terrains vers le romanche se sont reproduits à villar-d’Arène, où des maisons se sont lézardées, et, ou la route nationale a même du être refaite à plusieurs reprises. Voir sur ce sujet : Mémoire sur les maladies épidémiques qui ont régné dans la province de Dauphiné, depuis l’année 1780, par Nicolas, Grenoble 1786), qui étoit autrefois, dit-on, beaucoup plus considérable ; les habitants assurent qu’il décroît d’une manière sensible. On ne lui voit cependant aucune issue, mais on est persuadé dans le pays qu’il s’est formé une espèce de canal souterrain par lequel il va se dégorger dans la Romanche.
On croit que e canal souterrain passe vers l’église du Village, par ce que depuis quelques années, le terrain marquée, et qu’il a dans cette même direction, sur le bord du lit de la Romanche, une source profonde qui fournit beaucoup. Les eaux de ce lac sont le produit de l’écoulement des pluies qui tombent sur les faces des montagnes et des côtés qui l’environnent. Il n’est entretenu par aucun glacier.
En suivant le cours de la Romanche, après avoir quitté le Villar-d’Arène, on passe le long des bancs de schiste coupés à pic sur une hauteur de plus de 40 toises. Quelques morceaux suspendus menacent les voyageurs de se détacher sur tout dans les temps humides. On arrive au village de la Grave, situé sur la rive droite de la Romanche et on suit des yeux, à la rive gauche, la chaîne granite qui se continue depuis la montagne de la Sure. Cette chaîne est profondément sillonnée de distance en distance par les torrents qui forment ce que les gens du pays appellent les coulures ou combes, en tombant des vases glaciers qui en couvrent les sommets. En été, lorsqu’un vent chaud vient augmenter subitement la fonte des glaces, ces torrents entrainent des quartiers énormes de rochers, grossissent tout à coup la Romanche et occasionnent sur ses bords des ravages affreux.
Le village de la Grave est encore assis sur des bancs de schiste ; mais dons les pentes sont plus douces qu’au Villars-d’Arène. Les terres des environs sont cultivées en plus grande partie.
Après la Grave, on est obligé de quitter la rive droite de la rivière. On passe un pont de bois appuyé sur deux énormes blocs de granite.

Mine de plomb d’Échilose – (Le vrai nom est Girose ; il est resté appliqué à la mine de plomb et au beau glacier qui plonge vers la Romanche, à l’ouest de Peyrou d’Aval.)
Entre le village de la Grave et Loche, sur la rive gauche, se trouve la mine d’Échilose qui fournit du plomb à la fonderie d’Allmon. Cette mine est précisément sous un glacier qui en rend l’accès très difficile à cause des avalanches qui ont lieu fréquemment. Le très mauvais temps qui fit pendant mon séjour dans ce lieu m’empêcha de visiter cette mine.

On croit à La Grave d’après d’anciens papiers qui en font mention, qu’il y a eu deux filons sur cette montagne, qui étoient exploités par des protestans avant l’édit de Nantes, et que l’un de ces filons contenois de l’or et l’aube du plomb. M. Schrieberg (Schrieber, originaire de la Saxe, ancien directeur des mines d’Allemont) qui a vu cette mine et qui a même pensé y périr m’a dit n’y avoir vu qu’un filon de plomb qui est un des plus beaux de ce canton.
Après être descendu, la montagne d’Échilose, on passe à Loche, nom qu’on a donné à une espèce d’auberge qui est là, isolée.
La Romanche continue de couler suivant la même direction du sud-est au nord-ouest dans une gorge appelée la gorge de Maraval (Combe Malaval). Elle est bordée de rocher de granite et de kneiss, très-élevés et arides qui donnent à ce site un aspect des plus sauvages ; la vue s’arrête de temps en temps avec étonnement et admiration sur les cascades et des chutes d’eau, qui roulant rapidement des sommités plus élevées des montagnes se précipitent en tapes brillantes aux endroits où le rocher à pic ne laisse plus qu’une surface perpendiculaire.

Le lit de la Romanche est jonché de débris des couches schisteuses, ce qui donne à ses eaux un coup d’œil noirâtre. Il y a aussi beaucoup de granites roulés. L’un d’eux m’a paru remarquable par sa beauté. Il est composé d’un quartz verdâtre, de petites schoris noirs et de cristaux de feld-spath d’un très joli rose. Je crois que ce granite vient des montagnes qui confinent la Savoie derrière la Grave. le villar-d’Arène, etc., du moins je l’ai remarqué en plus grande quantité dans le couloir qui amènent les eaux de ce côté.

À suivre… 

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