1888 Les malheurs d’un Colporteur au Costa Rica 2–2

Cliquez-moi !

Claude Chouvin, colporteur fleuriste de La Garde, avec sa femme et son fils. Source Persée, revue : le Monde alpin et rhodanien, 1975.

1888, LES MALHEURS D’UN COLPORTEUR AU COSTA RICA 2/2

Source : Les colporteurs de l’Oisans au XIXe siècle.
Témoignages et documents, par M. Élisabeth Besson, Jean-Pierre Laurent
Publié dans : le Monde alpin et rhodanien, édition du premier et deuxième trimestre 1975.

Sur le même sujet : Petite histoire des colporteurs de l’Oisans 1 et 2

1888 Les malheurs d’un Colporteur au Costa Rica

I — Récit de voyage d’un colporteur fleuriste 1/2 – 2/2

Note de retranscription : Une fois n’est pas coutume, j’ai fait le choix de corriger et de ponctuer ce long texte, qui dans sa publication avait conservé la graphie originale des lettres, ceci afin de le rendre la lecture plus fluide. J’ai toutefois essayé de conserver les formulations et tournures de phares propres à Claude Chouvin.

Suite de la première partie 

J’ai fait la connaissance d’un Anglais qui parle un peu le français, et il m’a dit que j’aille le voir toutes les fois que j’aurai besoin de quelque chose et qu’il me renseignera du mieux qu’il pourra. C’est une petite consolation mes enfin que faire encore bien heureux de sa bonne volonté qu’il a l’air de vouloir bien mettre pour m’être utile.

C’est le 10 janvier qui se passe tout cela et c’est alors midi.
Je rentre pour manger avec une pluie de tous les diables, je monte à ma chambre, je me change, je suis tout mouillé, du pied à la tête, mais que faut-il prendre pour me changer. Les effets que j’ai quittés la veille sont aussi mouillés que ce qui je quitte.
Malgré [tout], je change de flanelle et je vais manger toujours la même nourriture qui est si tellement mauvaise que rien que de la voir et la sentir vous ne pouvez plus manger.

Bon cet après-midi, je vais écrire à monsieur Pellorce, on m’a dit qu’il y avait un départ un de ces jours pour Colon, et de là, il va à la Jamaïque et comme je sais qu’il doit partir le 14 et le 15 janvier pour Kingston, alors je vais lui écrire. Je suis bien sûr qu’il m’a écrit lui, mais il m’a adressé ses lettres à Saint-Joseph et alors, je ne puis rien savoir de ce qu’il me dit. Je suis. Complètement sans appuis ni consolation de lui, mais ce n’est pas de sa faute, ni lui, ni moi, nous ne pouvons mieux faire. Quant il va recevoir la lettre que je lui vais écrire aujourd’hui, il va être dans un tourment de même que moi j’en suis sûr, il n’y a pas de bateau pour les Antilles, il n’y a que celui qui va à Colon et depuis, à la Jamaïque, alors, je ne puis pas aller à la Jamaïque [sans] aller à Colon. Je ne puis pas non plus, les frais sont aussi grand que d’aller à Saint-Joseph et puis que ferais-je à Colon, de là il faudrait que j’aille ailleurs. Ah s’il y avait un bateau pour Lavane (La Havane), je le prendrais tout de suite, mais il n’y en a pas, pour mieux vous dire ma position est triste, je suis comme un prisonnier sans pouvoir n’en sortir de sitôt.
Il faut que je voie la fin de tout avant que je puisse dire de pouvoir m’en aller. Du reste, je ne puis pas abandonner mes caisses, soit d’une manière ou de l’autre. Si je ne puis pas les faire prendre au compte de l’assurance, il faut que je les porte tout de même à Saint-Joseph, ou du moins ce qui sera encore bon s’il en reste, c’est ce que je vais voir plus tard.

Aujourd’hui, 12 [janvier], je suis allé voir mes caisses, ces du fumier ce n’est pas des plantes, me voilà à réclamer à la compagnie, alors les voilà, qui font les formalités nécessaires. On vient me dire que l’on me demande à la douane, je cours et le chef de la douane me dit que je suis obligé de payer les droits malgré tout. Mais comme mes caisses ne valent pas les droits, je suis obligé de lui dire que je les abandonne pour les droits, et du reste, qu’il s’en prenne à la compagnie d’assurance. Que moi, si mes plants étaient en bon état, je payerais les droits et je ne demanderais pas mieux que de payer les droits et tout autres frais, si j’avais des marchandises recevables, alors on va procédé un certificat de nouveau comme quoi j’en fais un abandon complet et que moi, je ne puis pas recevoir les marchandises dans cet état. C’est impossible. Alors j’ai couru toute la matinée et c’est renvoyé à 4 heures du soir et je vais voir ce qu’il en résulte. Et après, je recommencerais de nouveau les moyens de procéder nouveaux pour que je puisse réclamer en France la compagnie d’assurance pour pouvoir me faire payer s’il y a moyen, mais c’est une formalité terrible à remplir. Je ne sais pas si j’en pourrais venir à bout de tout sans que sa sorte encore des difficultés nouvelle. Je vais alors voir ce qu’il en est.

Voilà bientôt 3 heures et je me dois rendre à 4 heures pour voir ce qu’ils ont décidé ces messieurs. Alors, jugez de mon tournant si c’est possible de rencontrer tant de difficulté sur terre. Je me rends à l’office on veut me faire payer 101 piastres et puis on me dit que j’aurais les certificats nécessaires. Alors moi je vais trouver le consul anglais, et je lui raconte ce qui se passe et alors, il me dit qu’il vous faut vous procurer un certificat de l’agence de la Compagnie du Vapeur. Alors qu’il le signe et vous aussi et depuis un certificat de la douane qui constate toutes les avaries et de là vous serez conforme.
Bon, me voilà à procéder à cette affaire. Je suis allé à la douane, déclarer un abandon complet, vu les avaries et de plus, qu’il me fasse un certificat de ce qu’il en résulte. Alors, il me faut de nouveaux autres experts de plus, un pour la douane, renvoyez tout à demain. Alors me voilà encore dans une autre forme à remplir.

Bon me voilà au 13 janvier, je prends tous les papiers qu’il me faut de plus, le certificat de la compagnie à vapeur et je le porte au consul anglais qui doit m’égaliser [régulariser ?] ça. Maintenant me voilà dans l’attente de ce qu’il en va résulter c’est encore renvoyé à demain. Je ne sais pas si ça pourra finir, pas en finir et d’une manière ou d’autre, je ne puis pas recevoir mes caisses. Nous sommes allés voir avec les deux experts et l’officier de douane, aujourd’hui, à 3 heures, nous les avons toutes ouverts, elles sont complètement perdues. Vous n’en trouverez pas une de bonne, pourrie et toute noire, comme si elles étaient brulées ou comme si on les avait mises à jeter. C’est une grande perte pour moi, c’est un grand malheur !
Que faire, que dire, je ne sais pas de quoi devenir de moi ? Je ne puis pas en tirer un sous, je suis obligé de faire un acte d’abandon total été d’après que j’aurais terminé cette affaire, je m’en irais, à la Jamaïque trouver M. Pellorce que je pense, qu’il y sera si que de non, je m’en irais en France.
Je ne sais pas comment m’arranger pour pouvoir m’en sortir.

À demain, 14 janvier, nous verrons ce qu’il en résultera, alors, je me lève à 7 h et alors je suis obligé d’attendre que les bureaux soient ouverts. Je vais voir si mes papiers étaient près, ce n’était pas encore fini, que je revienne à 4 heures du soir.
Mais je suis dans un ennui de plus complet. Je languis que ça finisse et que j’aie tous mes papiers en règle. Je dis en règle, je ne sais pas s’ils seront en règle. Il n’y a personne pour me renseigner de ce qu’il faut que je fasse enfin, c’est à la garde de Dieu. Je pense que Dieu ne m’abandonnera pas et qu’il me donnera assez de force pour pouvoir supporte toutes les disgrâces qui m’arrivent.

Enfin, me voilà encore, mes affaires renvoyées jusqu’à lundi ce qui me retarde encore et qui me donne un ennui terrible. Je fais au moins 10 voyages par jour à ses bureaux, c’est encore bientôt un jour de passer en attendant un autre jour qui me sera peut-être mieux favorable et de plus, ce qui me contrarie, c’est que je crains que Monsieur Pellorce, me trouve à redire, mais je ne peux pas mieux faire de ce que je fais. C’est tout ce que je puis faire et encore ce n’est pas facile à pouvoir tout avoir, ce qu’il faudrait.
Il n’y a pas un seul homme qui connaisse les lois. Je suis obligé de faire tout comme ils me disent, parce que je n’aurais pas gain de cause si je leur dis qu’il faut faire comme ça. Ils me répondent que ce n’est pas dans les règles. Qu’ils n’ont jamais opéré de cette manière, en me disant (num en cuidan amigo), terme espagnol tout est fait dans les formes voulues. C’est à la garde de Dieu, et qu’il me protège parce que tout seul, perdu, les plantes dans l’état où elles sont, c’est impossible de pouvoir en faire quelque chose sa ne payerait pas les frais que ça coûte pour les sortir de la douane, et de plus qu’il fait peut être attendre un mois avant que de pouvoir aller à la capitale et dans ce moment, elles sont déjà toute perdues.
Voilà que je suis obligé d’attendre jusqu’à lundi pour pouvoir, s’il plait à Dieu, en finir, et tout ce que j’ai peur, le plus, c’est de prendre la fièvre. Les gens du pays s’en plaignent énormément et c’est un climat de Colon, ça serait encore le complet si je devenais malade, ça serait pour compléter la sauce.
À demain.

15 janvier, nous verrons ce qu’il va en résulter, je m’en vais aller voir encore une fois, voir s’il y a moyen de pouvoir avoir un résultat de quelque chose, malgré que ce soit dimanche parce que j’ai hâte d’en finir.
Je n’ai rien pu faire encore aujourd’hui dimanche que de bien m’ennuyer et de bien penser à bien des choses. Je crois que je suis fou, car je ne trouve aucune place de bonne, enfin je vois que je n’avance à rien de tant me tourmenter.
Je suis forcé de prendre tout ça comme si c’était une bonne chose. J’ai passé un trait mauvais dimanche, me voilà rendu au lundi.

Je n’ai encore rien pu faire de ce qu’il me reste à faire, j’ai encore pris patience toute la journée et je suis arrivé à mercredi 17 janvier en croyant une résolution. Rien cirer que faire mes ennuis redoublent, mes chagrins augmentent et je ne vois pas un moyen de pouvoir en finir. Je suis comme si j’étais dans un brasier, je ne trouve pas un endroit auquel je me trouve mieux l’un que l’autre. Je m’ennuie par là trop. C’est impossible que je puisse résister plus longtemps. Je suis complètement dans un état de chagrin le plus complet. Ce consul ne me vise pas mes papiers, je serai peut-être obligé d’en prendre un autre qui me les visera, celui-là c’est un homme que je crois pas porter bien fort pour les Européens. C’est un Américain du plus complet, c’est ce dont je vais voir ce dont il en va résulter ce soir ce qu’il va encore me dire si c’est toujours la même chose. Voilà cinq jours qu’il a mes pièces et il ne me les a pas encore égalisés, c’est un peu fort, je n’y comprends rien dans cette affaire, c’est incompréhensible. Je crois qu’ils veulent me ruiner complètement. Du reste, leur manière de faire à toute la manière de ça, c’est un malheur, un grand malheur pour moi que je ne puis pas m’en faire une résolution. C’est impossible !

Mercredi 18 janvier, je suis allé voir ce maudit consul, il était malade, il a les fièvres. Qui sait si maintenant il pourra me viser mes papiers. Il est au lit et bien malade. Bon je suis allé le voir chez lui. Il vit avec une noire maritalement et il ne veut pas que l’on voie sa noire. Et moi qui suis allé, il m’a dit que je le verrais le 19 à son bureau. Il est employé dans le chemin de fer, je n’est encore rien pu faire aujourd’hui ses toujours la même chose, je m’ennuie terriblement.

Enfin, je suis arrivé au 19 janvier, je suis allé à son bureau, il n’était pas venu et on m’a dit qu’il était parti dans la nuit pour La Nouvelle-Orléans, pour se guérir. Si bien que j’ai pris mes papiers et je suis allé trouve le Consul argentin qui m’a visé ça tout de suite, et il m’a dit que ça faisait la même chose, vu qu’il n’y a pas de consul français à Limon et que l’on ne peut pas aller à Saint-Joseph avant peut-être la fin février.

Le 19 au soir, je me sens un peu indisposé, j’ai mal à la tête, et je suis allé acheter une purge de sel d’Angleterre et je l’ai prise.

Le 20, au matin, ça m’a fait un peu de l’effet, mes pas beaucoup et je vais en reprendre une le 22 au matin, et je pense que sa me laissera peut-être quitte pour la fièvre. J’ai eu le 20 des ressentiments de fièvre, j’ai même eu bien peur de la reprendre. Alors me voilà au 21, j’ai pris de la Kinine et je répondrais encore une autre purge après et je pense que peut-être, je partirais bientôt de ce maudit pays et j’irai trouve M. Pellorce, et de là, je m’en irais peut-être en France, nous verrons ce que nous allons décider, mais ce qui me tranquillise un peu c’est que je suis un peu mieux aujourd’hui qu’hier.
Toute ma peur c’était de devenir malade et ne pouvoir pas partir par le bateau du 25, c’est que c’est le seul pour pouvoir se sortir de ce maudit pays si malsain, on en voit tous les jours qui ont trouvé ces méchantes fièvres et qui peuvent à peine marcher, il semble à des jaunes d’œuf et à des squelettes et je serais bien heureux de pouvoir m’en échapper de cette épidémie, en quelques jours d’ici, je serais peut être en mer le climat est meilleur.

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, une erreur ou si vous souhaitez ajouter une précision,
veuillez nous en informer en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur les touches [Ctrl] + [Entrée] .

Ce contenu a été publié dans ARCHIVES, COLPORTEUR, HISTOIRE, TÉMOIGNAGE, TEXTE, VILLAGE, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.