À tous nos braves soldats du Freney

Rémy Ranque, archive Freneytique

À TOUS NOS BRAVES SOLDATS DU FRENEY

Texte commémoratif lu en l’honneur des soldats morts pour la patrie durant la guerre de 14-18 écrit par Rémy Ranque, secrétaire de Mairie du Freney-d’Oisans et du maire Jules Pellorce en 1937.
Document manuscrit de 4 feuillets, prêté par M. Guy Creveau, petit fils de Rémy Ranque.

Nota : Rémy Ranque était instituteur au village de Mont-de-Lans, et fut un secrétaire très actif de la mairie au Freney-d’Oisans durant toute la durée du chantier du barrage. Il fut mandaté comme médiateur par la Société de Régulation des Forces Motrices de la Vallée de la Romanche (société du Barrage du Chambon) et eut la lourde tâche d’annoncer et négocier les expropriations aux habitants de la vallée du Dauphin.

Mesdames, Messieurs, chers Camarades un proche a dit :
« L’herbe pousse moins vite sur les tombeaux que l’oubli dans nos cœurs. » Si ces paroles sont vraies pour des hommes sans cœur et sans foi, il n’en est pas ainsi pour nous. Car, à voir l’assistance qui est ici en ce moment, devant ce monument sur lequel sont inscrits les noms de nos 14 héros*, l’oubli n’a pas poussé sur nos cœurs. Non !
Nous n’avons pas oublié nos héros, car depuis la fin de l’horrible guerre, chaque année, nous sommes venus nous recueillir ici, écouter ce qu’ils nous disent, et leur demander de nous aider à garder gravés dans nos cœurs ces deux mots :

HONNEUR et PATRIE

Il est rapporté que dans une tranchée où les Allemands devaient y pénétrer massacrant à l’improviste nos braves poilus qui en avaient la garde, une voix surhumaine cria « Debout les Morts ». À cet appel, dit-on, les blessés, les mourants se redressèrent pour chasser l’envahisseur.

De ce cri d’outre-tombe, je voudrais en ce moment rapprocher un autre appel moins tragique, mais plus consolant, l’appel que depuis quelque temps, la Patrie ne cesse de faire entendre dans les coins les plus reculés de la France. « Debout les vivants ».
Oui debout pour honorer tous nos braves soldats du Freney et en particulier nos quatorze compatriotes, qui pour sauver le pays, le nôtre, ont versé leur sang avec fierté et fait preuve de la plus grande bravoure.

Cet appel, Mesdames et Messieurs, ne pouvait nous laisser indifférents, et voilà pourquoi vous êtes venus en si grand nombre assister à cette cérémonie de commémoration faite à la mémoire des enfants du pays glorieusement tombés au champ d’honneur. Jadis quand un jeune guerrier était armé chevalier il prêtait serment d’obéissance et promettait de faire coûte que coûte son devoir jusqu’au bout.
Mesdames, Messieurs, ceux que nous honorons en ce jour, n’ont pas agi autrement. À la voix de la Patrie, qui pour sa défense leur demandait en août 1914, le sacrifice suprême, tous ces enfants du peuple sont partis, résolus de combattre vaillamment, et, s’il le fallait de mourir. Chez ces fils de laboureurs que nous sommes tous, on trouva alors avec la plus admirable noblesse de cœur la plus ardente intrépidité. Le doux sourire de leurs enfants, l’affection si légitime dont ils étaient entourés, les rêves d’un avenir souriant, peut-être, tout les retenait au foyer domestique.
Mais entre le devoir et l’intérêt ils n’ont pas hésité « Le devoir avant tout ont-ils dit ». Et alors, endossant l’uniforme, ils sont partis affrontant de jour et de nuit, les balles et la mitraille, jusqu’au moment où ils ont trouvé un trépas glorieux.
En présence d’une si grande abnégation et de tant d’héroïsme, il est donc bien juste, que nous adressions à nos chers morts, l’hommage de notre admiration.

Oui honneur à ces braves qui succombèrent pour la défense de notre sol sacré ! Honneur à vous aussi glorieux survivants de cette grande et horrible guerre.
De vous aussi, on dira avec admiration « Ils en étaient ! »

Ils étaient du nombre des vainqueurs de la Marne, de l’Yser, de Verdun, de la Somme et d’ailleurs !
Morts et survivants tous, par votre courage et votre endurance vous avez prouvé que vous étiez vous aussi, comme l’a dit un poète : « De ce pays au fier nom », « ou, lorsqu’il faut mourir, nul n’a jamais dit non ». Et vous, famille cruellement éprouvée, je voudrais, par ces quelques paroles que je viens d’adresser à la mémoire de vos chers morts, verser un peu de consolation sur votre cœur meurtri. Leur vie a été courte hélas, mais si belle ! Leur mort a été la plus belle. La mort au champ d’honneur, face à l’ennemi dans l’enivrement de la bataille en français « Sans peur et sans reproche ». Puissent-ils aujourd’hui posséder la récompense suprême que Dieu réserve aux hommes de devoir, aux héros, aux martyrs.

Oui vous l’avez bien mérité cette récompense vaillants soldats qui dormaient là-bas sur les champs de bataille arrosés de votre sang. C’est grâce à vous que notre noble patrie pourra reprendre sa marche à travers le monde régénéré et y faire régner à nouveau, le droit, la justice et la Paix.

Au nom des anciens combattants du Freney, en mon nom personnel et au nom de la France victorieuse et reconnaissante morts glorieux et illustres survivants de la Grande Guerre : Merci !

11 novembre 1937

* 1914
DUSSERT Casimir
REY Jules

1915
GIROUD Remy
RIBOT Léon
VEYRAT Émile
ARLOT Léon

1916
VALLET François
BELLON Eugène

1917
DUSSERT Remy
MERVAL Marius

1918
PELLORCE Remy
CUYNAT Remy
HUSTACHE Félix
GIROLLET Alceste

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