Cent séismes en Oisans en quinze mois

Vallée de la Romanche, pont d’Auris.CENT SÉISMES EN OISANS EN QUINZE MOIS

Source : L’insolite et images fortes du passé de René Reymond, édition Pierre Châtel, 1989

Articles connexes :
– 
Chez La Marquise 
Les poudres du Chambon
Les Fantômes de l’hôtel Perrin

Cent séismes en Oisans en quinze mois !

Du 19 décembre 1838 au 18 mars 1840, l’Oisans a éprouvé cent secousses telluriques — soit en moyenne sept secousses par  mois — dont les plus violentes ont été celles des :
19 décembre 1838, à 10 heures 30 du soir
6 mars 1839, à 2 heures 5 du matin
21 mars 1839, à 1 heure du matin
26 mars 1839, à 3 heures 8 du soir
29 mars 1839, à 4 heures 7 du matin
4 octobre 1839, à 10 heures 4 du matin
26 octobre 1839, à 3 heures 2 du soir
5 novembre 1839, à 2 heures 6 du matin
Il décembre 1839, à 3 heures 4 du matin
(Patria, édité par J.-J. Dubochet, Lechevalier et Cie, Paris, 1847, 2 vol.)

Déjà en 1808, Grégoire-Anselme Perrin, conducteur des Ponts et Chausé, originaire de Nantes-en-Ratier, écrivait dans ses Mémoires : 
« Avant de quitter l’Oisans, qu’il me soit permis de dire quelque chose sur diverses secousses de tremblement de terre qui se firent violemment ressentir en 1808.
Le 2 avril de la même année, vers les cinq heures du soir, j’étais au Garcin écrivant dans ma chambre, un tremblement se fit sentir d’une manière si violente que tous les objets qui étaient dans la pièce furent mis en mouvement, tel qu’une canne, un parapluie pendu contre un galandage en planches, une carafe à moitié pleine d’eau, les plumes, la table sur laquelle j’écrivais, etc. Je sortis brusquement en tenant mon pouce sur le pouls pour compter à peu près la durée de ce tremblement, je trouvais être de 22 secondes. Au moment où je fus hors de la porte, le sieur Caillat, mon commis, et Jacques Balenc, mon domestique, sortaient aussi de la cuisine, tout effrayé. La femme d’un cabaretier, nommé Daigne, avait déjà abandonné sa maison pour échapper à son écroulement ou pour se soustraire à des revenants qui voulaient enlever ! En général tout le village fut épouvanté. Ce tremblement se fit ressentir dans tout l’Oisans, dans le Briançonnais et notamment dans la vallée de Lans, en Piémont où plusieurs églises, des châteaux et des maisons s’écroulèrent. Dans la ville de Pignerol, un très grand nombre de cheminées furent abattues.
Le 15 du mois d’avril, deux autres secousses se firent encore ressentir. La première à deux heures un quart de l’après-midi et la seconde ne se manifesta qu’une heure après.

La plus violente de ces secousses était réservée pour le seize du même mois, à une heure trois quarts du matin. J’étais dans mon lit entre le sommeil et le réveil.
À coup je sens mon lit en mouvement et il me semblait que ces mouvements s’opéraient du nord au midi, j’étais obligé de les suivre et de les supporter d’une manière fatigante. À côté de la pièce où j’étais couché était un magasin d’outils en fer, qui n’était séparé de ma chambre que par un galandage en planches, tous ces outils furent mis en mouvement et résonnaient par leurs frottements et par dérangement. Je fis aussitôt sonner ma montre qui indiqua une heure trois quarts : je sortis pour échapper à la mort. Je crus véritablement que la maison s’écroulait. Le sieur Caillat qui couchait dans le magasin d’outils, fut comme moi épouvanté et sortit aussi, le bruit des outils en fer l’avait réveillé. Toutes les personnes du village qui ne dormaient pas d’un profond somme ils sentirent cette secousse, entre autres le sieur Riondel, le piqueur attaché aux travaux de la nouvelle route, Miare, chef d’atelier, etc. Je crus remarquer que la durée de cette secousse fut moins longue que celle du 2, mais encore plus forte.

Je fis part au rédacteur du Journal de Grenoble de ces tremblements de terre par une lettre détaillée qu’il inséra dans l’une de ses feuilles de cette époque-là »

Consulté au sujet de ces séismes, Monsieur Jacques Debelmas, agrégé de l’université, Professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble, nous a fort aimablement répondu :
« Le séisme du 2 avril 1808 est bien connu : son épicentre se situait dans la région de Pignerol, et il fut également ressenti à Briançon et dans le Queyras avec une intensité qui atteignit localement le degré VII dans l’échelle de Mercalli (suffisamment forte pour que les personnes aient du mal à tenir debout). Il fait partie des séismes de la périphérie de la plaine du Pô, fréquents et classiques, mais est difficile, en l’absence de mesures plus précises (connaissance des mécanismes au foyer notamment) de savoir s’il s’agissait, dans le cas particulier, du jeu d’une faille d’effondrement du bassin du Pô, ou d’un effet tardif du plissement alpin, car la région de Pignerol se situe au niveau de la zone où ce plissement a été le plus fort… 40 millions d’années avant !
Le séisme de l’Oisans en 1838 est plus étrange. Il ne figure pas dans les listes de séismes alpins inventoriés. Par ailleurs il n’est pas dans une région sismique des Alpes et il est difficile, sinon impossible, d’en donner une interprétation, d’autant plus qu’on ne connaît pas son épicentre exact et qu’on ne dispose pas à son sujet, comme pour le précédent, de données géophysiques précises. Faute de pouvoir le rattacher au jeu d’un accident connu, on ne peut rien dire à son sujet. »

NOTA : Sur les séismes en Oisans.
En se penchant sur les archives de la presse locale, on retrouve quelques articles publiés qui rapportent plusieurs séismes qui ont eu lieu dans la région de Vizille, aux portes de l’Oisans, près de Grenoble. La première publication dans la région géographique qui nous intéresse décrit qu’un tremblement de terre a été ressenti le 30 janvier 1936, mais il a été si bref que la plupart des habitants ont confondu la secousse avec le passage d’un « gros véhicule ». Deux autres secousses ont été enregistrées deux ans plus tard, le 18 juillet 1938, la plus forte a réveillé de nombreuses personnes qui ont senti leur lit ou les murs trembler, suivie d’une deuxième qui passera presque inaperçue.

L’un des plus importants s’est produit à Saint-Jean-de-Vaulx, près de Laffrey, à cinq kilomètres au sud de Vizille. Le séisme de magnitude 3,5 a été enregistré à 4 h 36, le 11 janvier 1999 par l’observatoire de Grenoble. L’enquête menée le jour même a révélé que 86 communes ont ressenti la secousse, accompagnée d’un bruit sourd, comme un grondement, la plupart des habitants ont été réveillés. À Vif, la panique a même saisi les villageois. Malgré l’effroi, il n’y a pas eu de dégâts importants, quelques communes ont signalé des fissures dans les murs ou le déplacement de meubles lourds dans les maisons. Les autorités ont souligné la nécessité de se préparer à l’éventualité de nouveaux séismes, mais ont également rassuré la population en affirmant que la région n’était pas considérée comme présentant un risque sismique élevé.
D’ailleurs les autorités locales travaillent en étroite collaboration avec l’observatoire de Grenoble pour surveiller la région et prévenir les risques pour la population. Les habitants sont invités à être attentifs aux signes précurseurs d’un séisme, tels que des bruits souterrains, des vibrations ou de l’aspect changeant des sols.

Même si les séismes dans la région de Vizille ne sont pas fréquents, leur occurrence rappelle l’importance de la préparation face aux risques naturels. Les autorités et les habitants doivent travailler ensemble pour prévenir et minimiser les risques et assurer la sécurité de tous.

Un « scan » rapide sur la presse en ligne démontre que de tels phénomènes ne sont pas si rares dans notre région et souvent ressentis de façon assez marquée par la population.
J’ai pour ma part trois souvenirs : le premier est une secousse ressentie le 23 février 2004 vers 18 h, secousse d’à peine trois secondes, provoquant un bruit si fort que j’ai sermonné mes enfants pensant qu’ils tapaient dans une porte avec leur pied. Quelques jours plus tard je remarquais une fissure d’un bon mètre partant de l’angle jusqu’à la fenêtre du mur Est de ma maison.
Un autre souvenir qui remonte au début des années 2010, peut-être 2014, une secousse avait poussé quelques résidants de « La Marquise », maison à l’architecture de caractère bien connue du Freney, à sortir de chez eux, en fin de soirée, persuadés par ce grondement soudain, que l’immeuble voisin, alors en travaux, venait de s’effondrer.
Un dernier souvenir renvoie aux archives du Chambon, et la réponse produite par l’ingénieur en charge des futurs travaux face à l’inquiétude des populations situées en contrebas du barrage :  « Bien entendu, nous ne répondons pas qu’en cas de très violent tremblement de terre, le barrage du Chambon, pas plus que les autres barrages établis en France, ne risquerait pas d’être démoli, mais il s’agit de cataclysmes qui sont inconnus dans notre région, et vraiment si on mettait en ligne une considération de cet ordre, il n’y aurait vraisemblablement pas que le barrage du Chambon que l’on refuserait de construire. »

Un article très complet de M. Thierry Grand, sur la faille de Vizille est paru dans le No 58 de la revue des Amis de l’histoire du Pays Vizillois.

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