Voyage en Oisans de Charles-François Daubigny 2-4

Cliquez-moi !

Vue du Bourg-d’Oisans, dessin à la mine de plomb représentant le séminaire réalisé en 1839 par Charles-François DAUBIGNY

VOYAGE EN OISANS DE CHARLES-FRANÇOIS DAUBIGNY 2-4
Souvenirs du Bourg-d’Oisans étape d’un voyage de Charles François Daubigny en Dauphiné

Source : Archives André Glaudas

Article connexe :
Charles Bertier 

Souvenirs du Bourg-d’Oisans étape d’un voyage de Charles François Daubigny en Dauphiné

1/4 — 2/4 —

Par Maurice Hocquette
Édition Atelier du Livre
38520 Le Bourg-d’Oisans 1976

Note de l’auteur : Il nous a paru préférable, plutôt que d’alourdir le texte par une suite de notes et d’explications données phrase par phrase, mot par mot — les lettres sont difficiles à lire parce que les faits et les idées sont en désordre, qu’il n’y a pas de ponctuation, que l’orthographe est fantaisiste — de donner un récit aussi cohérent que possible en précisant les remarques du peintre, en expliquant ses observations, en enchâssant des citations et en décrivant le pays comme il a dû le voir.

DAUBIGNY arriva au Bourg à la fin du mois de juillet ou au début du mois d’août 1839, en diligence, sans doute la diligence qui partait de Grenoble le soir et arrivait au Bourg le lendemain matin après des arrêts aux stations relais, au moins à Vizille, Séchilienne et Rioupéroux, et Logea à la station de la poste aux chevaux, au gîte d’étape, l’auberge de Milan dont l’entrée cochère existe encore (hôtel de Milan) ; la remise qui se trouvait de l’autre côté du port de la Rive a été rasée et remplacée par le garage Pouchot. À sa fenêtre, sur la façade arrière, celle de la cour, DAUBIGNY avait en face de lui, dans la haute pente escarpée qui borde à l’occident la plaine du Bourg-d’Oisans, l’emplacement des mines de la Gardette près du hameau du même nom, sur le chemin muletier du Bourg-d’Oisans au Villard-Eymond (Villard-Notre-Dame), célèbre gisement d’or natif associé au sulfure de cuivre, à la galène, à la blende dans un filon de quartz inclus dans la protogyne (Roche granitoïde qui se compose de quartz, feldspath et talc). Il avait été découvert au début du XVIIIe siècle par des habitants, officiellement reconnu en 1776 et a été concédé à diverses reprises. Il l’est encore. Il fut exploité au début de la guerre de 1939-1944 avec la main-d’œuvre de prisonniers allemands. Les rochers de l’Oisans qui « sont remplis de mines de cuivre, de plomb, de fer et une foule d’autres » ont toujours fait rêver les habitants de richesses fabuleuses. Les exploitations n’ont abouti qu’à de considérables ennuis financiers, celle de la Gardette n’a fourni « qu’un morceau d’or de 8 mille francs qui est, je crois, tout le produit de la mine depuis qu’on y travaille » c’est le gérant de la mine qui l’a montré à DAUBIGNY. Il avait visité les galeries à la lumière de la lampe à huile, discoïde, en fer des mineurs uissans de l’époque. La concession de La Gardette a été à l’origine de la fameuse affaire Rochette (NDLR. Scandale politicofinancier impliquant Henri Rochette au début des années 1900).

À crédit ouvert DAUBIGNY fut pensionnaire à l’Auberge de Milan jusqu’à la fin de septembre 1839. Le Père GIRARD, supérieur du petit séminaire, mit alors la chambre d’un professeur à sa disposition pendant les vacances. Il la gardera d’ailleurs après la rentrée des séminaristes. Le petit Séminaire occupait sur le côté nord de la place de l’église les vastes locaux d’un couvant des Pères Récollets créés en 1657. Il fut vendu comme bien national puis racheté par l’Église en 1810 pour installer le petit séminaire. Aux séminaristes succédèrent en 1856 les Frères de la Doctrine chrétienne qui tinrent une école et un pensionnat libre jusqu’en 1905. Le bâtiment fut démoli en 1912, une école primaire publique fut construite sur son emplacement.

Le Père GIRARD fut au petit soin pour son hôte ; il rendit la chambre confortable et améliorant le mobilier, l’éclairage et la literie. Il fut remercié par un dessin à la mine de plomb représentant le séminaire et au départ de DAUBIGNY par le don du Saint Jean de Climaque envoyé par TRIMOLET (d’après une note de l’ouvrage de M. Fidell-Beaufort/Janine Bailly-Herzberg, il s’agirait d’un livre).

Résidant au séminaire, DAUBIGNY prit ses repas chez la mère BRUN, aubergiste. Elle tenait table d’hôtes au « Bourg ve » dans le vieux Bourg en haut, route de Briançon à Grenoble, actuellement rue du général Bataille, presque à l’angle du béal (ou biel) Saint-Jean maintenant rue Saint-Jean. L’auberge Brun est devenue le café Joseph BALME. La route de Briançon à Grenoble (rue Général Bataille et rue Saint-Antoine) était en 1839, la route principale à l’abri des inondations. De la Paute, elle longeait le pied de la falaise de Prégentil, passait à La Morlière, et traversait le cône de déjection du torrent de Saint-Antoine. Ce n’est qu’entre 1836 et 1846 que la route de Rochetaillée au Bourg fut construite en ligne droite, la route nationale actuelle, sauf la courbe au pont sur la Lignarre à La Paute, au préjudice, quant au commerce, du Haut Bourg.

« Le pays est beau… mais ce n’est pas encore ce que je voudrais, car les montagnes, toutes belles qu’elles, sont, forment par leurs lignes toujours des fichus et ensuite tombent à pic dans les vallées qui sont trop cultivées c’est ce qui fait que je veux aller encore un peu plus loin ».

DAUBIGNY profita du temps propice « voilà il paraît 4 mois qu’il n’est tombé une seule goutte d’eau dans les alpes… le temps est très beau, très chaud, le ciel… d’un bleu magnifique », le ciel qui varie d’un bleu de Tiepolo au bleu de Prusse intense, pour excursionner. Mais, infatigable, il lutta aussi contre le vent, « celui qui casse les petits arbres ou les fait plier comme des roseaux », il courba le dos sous les habituelles abondantes pluies d’automne et sous les bourrasques de neige.

Il s’engagea sur la route de Briançon. À cette époque on l’élargissait. Elle fut d’ailleurs, parce que la plus directe, la plus courte et la plus commode, malgré les pentes, de Grenoble en Italie par le Col du Montgenèvre, l’objet d’améliorations continuelles. Il semble que tout de suite DAUBIGNY ait fait la connaissance de l’« ingénieur des Ponts et Chaussées », Monsieur POTIE dont le titre exact était Conducteur des ponts et chaussées de première classe chargé de l’arrondissement de l’Oisans. Ce Conducteur des ponts et chaussées surveillait la fin des travaux, marquée de l’accident survenu à un ouvrier par l’éclatement prématuré d’une mine, qui avaient été confiés à l’entreprise Prario, dans les gouffres de l’Infernet (ou gorges du Freney) entre La Balme Rousset et La Rivoire et ceux adjugés à J.L. Berger le 23 janvier 1839 pour la route du Bourg au Pont Saint-Guillerme.

DAUBIGNY seul ou en compagnie de M. POTIE qui lui avait commandé un « tabloton » auquel il travailla « comme un nègre » monta jusqu’à La Grave.

Il gravissait la Rampe des Commères, dont le nom vient « sans doute de ce que, protégé par la solitude du lieu, le caquet expansif ou indiscret peut s’y donner libre essor, comme joyeux passe-temps de la route » qu’on faisait certainement à pied pour alléger le poids de la diligence qui effectuait journellement le trajet du Bourg à La Grave et pour soulager les chevaux, comme plus tard on descendit a la côte des Roberts entre Rioupéroux et Livet pour permettre à la locomotive des V.F.D. (Voies Ferrées du Dauphiné) de la surmonter. Au pied de la Rampe des Commères s’ouvre le « Grandiose effrayant » de l’Infernet, d’énormes blocs de rocher font jaillir, écumer les eaux de La Romanche qui mugit.

Plus loin, après être passé au pied du hameau de la Rivoire d’où l’on montait avant le percement pour le Premier Empire en 1808, du tunnel ou Galerie de l’Infernet, au Mont-de-Lans pour redescendre au Châtelard se reposer et se réconforter dans un petit hospice toujours dans la gorge de l’Infernet, DAUBIGNY (dans ses lettres il a donné le nom de Malaval aux gorges de l’Infernet situées entre le Clapier d’Auris et Le Freney et à la combe de Malaval qui commence au Pariset et se termine au Villar d’Arène) se baigna dans l’élargissement de La Romanche au niveau du verrou du Châtelard (et non Chatelat). Il est « un vrai chamois, grâce à une bonne pique et descend jusqu’au « lac » du Chatelard « une grande étendue d’eau comme une glace et qui par les travaux de la nouvelle route se trouve stagnante ». C’est là qu’il dut dessiner les Rochers (papier, crayon noir, lavé par endroits et rehaussé de blanc) reproduits dans le DAUBIGNY de M. Fidell-Beaufort/J. Bailly Herzberg ; on voit à l’arrière-plan le petit élargissement de la vallée du Freney d’Oisans (et non Frenay).

Dans ce village, DAUBIGNY fit la connaissance du maire, le notaire Argentier, Conseiller au Conseil d’Arrondissement du Bourg-d’Oisans, qui demanda un dessin de la commune « Chasse au Freney-d’Oisans ». Celui-ci fut terminé vers le 11 décembre 1839 et sans doute payé soixante francs.

Après le hameau du Chambon, c’était le village du Dauphin avec la station-relais de poste tenue par GRAVIER, puis le hameau du Pariset. Ces trois villages ont été submergés et se trouvent maintenant au fond du lac du Chambon. Il ne subsiste qu’une petite chapelle au Pariset.
Au Dauphin, DAUBIGNY aperçut les langues septentrionales du glacier du Mont-de-Lans, elles « brillaient au soleil comme de l’argent ».

Puis commençaient les « majestueuses sévérités » de la combe de Malaval. Un jour, ayant laissé M. POTIE à l’auberge du Dauphin, DAUBIGNY alla déjeuner au relais de La Maison neuve, habitation isolée, maison de halte, avec « des employés des ponts et chaussées… ils ne voulurent jamais me laisser payer ma part et me régalèrent même de chamois, on en chasse beaucoup ».

À La Grave, « il faut avoir de fameuses dents pour manger le pain… on ne le cuit qu’une fois par an, les pains pèsent de 50 à 60 livres c’est énorme à voir on les casses à coups de marteau. En 1910, en Haut Oisans on cuisait encore le pain de seigle une fois par an, un pain sans levain, sans sel, cuit, en novembre, au four pendant sept heures et mis à sécher au grenier. À La Grave DAUBIGNY fut émerveillé par la Meidje et ses glaciers. Il avait l’intention d’en faire un dessin. « C’est bien beau à la grave en sortant de la combe de Malaval on voit des glaciers en face de soi, mais c’est magnifique vous ne pouvez pas vous en faire l’idée quand le soleil donne dessus c’est comme de grandes lames de feu c’est étincelant d’en bas ».

À suivre…

 

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, une erreur ou si vous souhaitez ajouter une précision,
veuillez nous en informer en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur les touches [Ctrl] + [Entrée] .

Ce contenu a été publié dans ARCHIVES, HISTOIRE, REPORTAGE, ROUTE, TÉMOIGNAGE, TEXTE, VILLAGE. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.