Voyage en Oisans de Charles-François Daubigny 3-4

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Paysage saint Jéromes, étude, mine de plomb réalisé dans les gorges de la Romanche, non loin du pont d’Auris, par Charles François Daubigny durant l’été 1839.

VOYAGE EN OISANS DE CHARLES-FRANÇOIS DAUBIGNY 3-4
Souvenirs du Bourg-d’Oisans étape d’un voyage de Charles François Daubigny en Dauphiné

Source : Archives André Glaudas

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Souvenirs du Bourg-d’Oisans étape d’un voyage de Charles François Daubigny en Dauphiné

Par Maurice Hocquette
Édition Atelier du Livre
38520 Le Bourg-d’Oisans 1976

1/42/4 — 3/4

DAUBIGNY fit souvent le trajet du Bourg à La Grave en voiture, avec le conducteur des ponts et chaussées, ou à pied. Il connaissait tous les détails du parcours dont il avait reconnu les différents traits saillants, remarquables.

Mais, presque tout de suite après son arrivée, il avait trouvé son site, au début de la longue route, difficile et « pentue » du pont Saint-Guillerme à La Grave. Un œil de peintre ne se trompe pas. Le 9 août 1839, du Bourg-d’Oisans il écrivait à TRIMOLET « c’est bien difficile de trouver son paysage tout à fait allant au sujet que l’on veut traiter, on est toujours forcé de le composer où je suis, j’ai même plus qu’il me faut de matériaux pour cela, mais cependant, il me manque des terrains de premier plan, il y a trop de différence de la montagne à la plaine, enfin hier, j’ai presque trouvé mon affaire dans le premier voyage que je fis avec mon ingénieur…, de Briançon il précisait à GEOFFROY, le 23 aout 1839 « je ne devais pas vous faire mystère longtemps de mon sujet, j’attendais que je suis bien déterminé et ayant trouvé mon affaire dans la combe de Malaval, je vais commencer ». Il s’agit de la combe de l’Infernet, après avoir monté les lacets de la Rampe des Commères » et « près d’une fontaine ». DAUBIGNY partait du Bourg à 8 heures — il devait arriver à la fontaine, au ruisseau des Commères vers 9 h 30 « j’ai trouvé la une bien bonne femme qui me garde toutes mes affaires dans sa grange et chez qui je déjeune avec du bien bon lait où des œufs ». Pour ne pas perdre de temps et étant dans l’impossibilité de transporter la toile encombrante qu’il avait commencé « vu le grand vent et l’endroit où il faudrait que je la descende… je sauterais dans la Romanche au moindre coup de vent », DAUBIGNY loua, probablement à « l’arivoire (La Rivoire), une chambre. La propriétaire fournissait la nourriture, « on vient de m’apporter pour mon souper une omelette de 3 œufs qui n’a pas l’air piquée des hannetons aussi, je vais tomber dessus comme un canard qui prend sa nourriture ».

La toile représentant saint Jérôme, saint Jérôme dans le désert ou saint Jérôme en prière (195 x 165 cm) peinte en prévision du concours du Prix de Rome — c’est le seul paysage historique dans l’œuvre de DAUBIGNY — a été exposée au Salon de 1840 sous le numéro 365. On la crut perdue pendant longtemps. Elle fait actuellement partie des collections du Musée d’Amiens.

À droite, au milieu des rochers, saint Jérôme est agenouillé, penché, le bras droit tendu vers l’arrière, dans la contemplation extatique d’une haute croix faite de deux bâtons. Devant lui un livre ouvert posé sur un bloc de pierre. À gauche, une paroi raide au pied de laquelle coule la Romanche sortant d’une faille limitée à droite par une butte portant quelques arbres à l’allure des hêtres ; ce devrait être des frênes et des bouleaux. À l’arrière-plan, des montagnes dans la lumière. Dans l’ensemble, le tableau est sombre, DAUBIGNY a accentué les contrastes.
Le ciel — un ciel du matin — d’un bleu très clair vers le zénith passant au jaune clair à l’horizon est chargé de bandes de nuages d’un brun clair avec un liseré rougeâtre. Saint-Jérôme tourné vers l’orient reçoit la lumière d’en haut et de la droite.

Le paysage est réel, très scrupuleusement figuré, traité d’une brosse franche. On peut déterminer avec précision l’endroit où DAUBIGNY plantait son chevalet. Un peu en amont du ruisseau des Commères et du sentier qui mène au pont d’Auris, dans la pente rocheuse de la rive gauche de La Romanche. À droite de la toile, au second plan la butte du Châtelard avec des arbres. Limitant cette butte, l’échancrure d’où sort le torrent et vers la gauche, successivement la Croix de Cassini, le Signal de l’Homme oriental, la paroi abrupte au sommet de laquelle se trouve La Balme d’Auris, le Signal de l’Homme occidental.

Dans une entaille verticale de la paroi de la rive droite se développe en trente-six lacets un sentier muletier très raide bordé de murette en pierres sèches, qui pendant des siècles permit d’accéder à La Balme d’Auris. L’entaille est comme sous le nom de Cheminée du Diable, le joli pont d’Auris, qui permet de franchir la Romanche au pied de la cheminée est aussi appelé pont du Diable.
Dans sa lettre à GEOFFROY du 23 août 1839, DAUBIGNY écrivait « si vous avez de bons conseils à me donner pour mon sujet ne vous gênez pas si vous aviez une belle forme de diable à m’envoyer cela me ferait plaisir du reste je ne sais pas encore si je mettrai un diable dans le commencement lorsque l’on pense à un tableau il vous part dans l’imagination comme un feu d’artifice… ». Le peintre avait-il avant d’aller en Dauphiné le projet, comme l’avance E. MOREAU-NELATON (Daubigny raconté par lui-même) de montrer un saint homme en conciliabule avec le Diable ? Un ermite avec le Diable ! Que de « tentations », que de « luttes, n’avaient-elles pas été déjà évoquées ! Mais n’es t-ce pas dans cette circonstance une simple association d’idées entre le Diable tentateur
et le nom de la Cheminée ?

Pourquoi aussi ne chercherait-on pas une allégorie dans la peinture de DAUBIGNY : saint Jérôme au-dessus d’un torrent, image du mouvement, de la vie, et au milieu de rochers, d’arbres presque dénudés formant une construction linéaire, triste, image de la mort ?

Si le paysage représente exactement la Nature, la partie « historique » apparaît artificielle. DAUBIGNY a bien choisi un lieu sauvage et inhabité, mais sans rapport avec le désert de Chalcis, en Syrie : « …vaste solitude toute brulée par les ardeurs du soleil ». Il a fait comme Albrecht DURER pour te saint Jérôme dans le désert (1497, grav., 32 x 22,5 cm) où l’on retrouve presque les mêmes éléments : rochers, maigre végétation, rivière qui s’échappe d’une échancrure ouverte dans le roc et qui coule au pied d’une paroi. L’œuvre de DAUBIGNY n’aurait-elle pas simplement profité de réminiscences ?

DAUBIGNY qui grava it depuis 1838 exécuta une eau-forte (16,5 x 13 cm) d’après sen tableau. Elle figura au Salon de 1841. Elle existe deux états. Avant la lettre avec des essais de pointe dans la marge inférieure. Avec la lettre, elle fut publiée dans L’Artiste. On connaît ceux épreuves du premier état annotées. L’une par DAUBIGNY : « vue prise de la rampe des Commères au bourg d’Oisans, département de l’Isère » ; l’autre par le vicomte L.-E.-F. HÉRICART DE THURY (1776-1854), ingénieur des Mines et agronome, membre libre de l’Académie, des Sciences, auteur de publications sur les mines d or, d’argent, d’entracte de l’Oisans, qui écrivit en marge : « Très bien ! très bien, j’ai parfaitement reconnu les montagnes de l’Oisans. Mais, dans l’intérêt de Monsieur Daubigny, je lui conseille d’effacer : 1°) son saint Jérôme à la croix ; et 2°) les petits arbres des collines des environs de Paris et non des arbres des Alpes. Mais, je le répète, c’est bien et très bien ; et j’en fais mon sincère compliment à M. Daubigny. »

DAUBIGNY fit à la fin du mois d’octobre 1839 deux excursions au Lac Lovitel. La première, le 22 octobre, avec le gérant de la mine de la Gardel le et sa nièce. Le départ eut lieu au Bourg à six heures avec trois mulets qui furent laisses aux Gauchoirs (et non à Gauchoir). Puis, montée à pied pendant trois heures jusqu’au lac. « C’était beau !!! au de la de toute expression il est entouré de rochers à pic en haut desquels on voit des glaciers… ce sont de très jolies cascades qui l’alimentent nous nous sommes promenés dessus pendant 3 heures nous avions trouvé un radeau… c’était beau ! ah crematin !!! » Au retour, par le sentier du Sarret et de La Croix du Plan, deux mulets, celui du gérant et celui de la nièce prirent successivement le « mords aux dents… au moment de passer la Virra (La Rive, La Riva en parler bourcat) » qui sort dans la petite « douix » Les Grandes et Les Petites Sources, à une lieue du Bourg d’Oisans. « Il n’y avait personne de mort, nous avons ri comme des bossus », la nièce avait pris un bain d’eau froide et avait perdu un soulier.

Quelques jours après, profitant du beau temps, DAUBIGNY remonta au Lac Lovitel pour en faire un petit tableau. Il arriva à la nuit tombante sans les clefs des cabanes. Il força une fenêtre, coucha dans le foin et se chauffa à la flamme de bois de mélèze. Il n’entendait « que le bruit des cascades… je vais tirer un coup de fusil pour troubler un peu le calme ». Il ne peignit pas, « ça fait deux jours de perdus ».

À suivre…

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