Fêtes alpines du Bourg d’Oisans 14 août 1892

Buste du Dr Girard, parc du foyer municipal du Bourg-d’Oisans

FÊTES ALPINES DU BOURG-D’OISANS, 14 AOÛT 1892

Source :
Archives Départementales de l’Isère 

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Au moment où va finir la splendide Exposition qui nous a montré si merveilleusement les efforts, les travaux et les richesses de l’Alpinisme, nous pensons intéresser nos lecteurs en dirigeant leur regard vers l’incomparable région de l’Oisans où, le 14 août dernier, ont eu lieu les agapes qui devaient clôturer le Congrès. — La difficulté des communications et le peu de confort des hôtelleries avaient fait négliger, jusqu’à ces dernières années, ce centre magnifique d’excursions ; seuls, quelques intrépides en parlaient avec enthousiasme pour avoir contemplé de près ses sombres gorges, ses torrents bleus, ses cascades et ses glaciers, tel que la Suisse n’en présente pas de plus merveilleux et de plus attrayants. Aussi bien l’invitation de se réunir au chef-lieu de l’Oisans faite par la Société des Touristes du Dauphiné, à l’occasion de sa fête bisannuelle, avait-elle été joyeusement accueillie par les membres du Club Alpin, réunis à Grenoble pour le Congrès.

L’hospitalière Société, qui avait préparé avec tant de sollicitude sa cordiale réception, a dû être fière de l’admiration éloquente de ses invités. Il est vrai que la population du Bourg d’Oisans avait tout mis en œuvre pour faire un accueil enthousiaste à ses hôtes. Dès le samedi 13, les rues pavoisées et enguirlandées formaient un berceau de fleurs et de feuillage interrompu à chaque carrefour par un arc de triomphe admirablement rubané, et des milliers de lanternes couraient en cordon multicolore le long des guirlandes. Dans la soirée, les Touristes arrivaient, les uns descendant des sommets de Belledonne, ceux-ci des Grandes-Rousses et d’autres du pic de Taillefer. Vers huit heures, tout le bourg était en liesse.

À neuf heures et demie, la Société des Touristes offrait un punch d’honneur à ses invités, sous la halle transformée en salle de fête. Là se continue la série des surprises ménagées par la joyeuse cité. Un groupe charmant de jeunes filles délicieusement costumées en Alsaciennes, Lorraines, Italiennes, Suissesses, etc., attend les Alpinistes. Ce sont elles qui vont servir le punch étincelant, la bière mousseuse, les cigares et entre temps chanter de leurs voix fraîches et harmonieuses les plus gais refrains.

Le docteur Roussillon a tenu, malgré son grand âge, à assister à cette première réunion. Tous ceux qui ont fréquenté l’Oisans savent combien il s’est efforcé, au cours d’une longue carrière de travail et d’honneur, de faire connaître, apprécier et aimer ces montagnes. La présence de tous ces étrangers et leurs applaudissements répétés avec enthousiasment pendant son intéressent discours, prouvent que ses efforts ont porté leur fruit.

Après le punch, la gaîté devient générale, de groupe en groupe les gais propos se mêlent aux éclats de rire et tout à coup, comme par enchantement, une farandole s’organise, déroulant ses anneaux à travers la foule des Touristes qu’elle entraîne en finissant par l’englober. Une fois l’élan donné on ne s’arrête plus, un orchestre improvisé s’installe, et jusqu’à une heure du matin, valses, polkas se succèdent avec un entrain endiablé. Quelle réclame en faveur de l’alpinisme qui, après les excursions les plus fatigantes, vous laisse encore du jarret pour la danse.

Le lendemain dimanche, à midi et demi, a lieu le banquet sous une tente dressée en plein air, cent cinquante personnes environ y prennent part. La table d’honneur est présidée par M. Collet, président de la Société des touristes du Dauphiné. Y figurent MM. Durier, vice-président du Club Alpin Français ; Viallet, président de la Section de l’Isère ; Farraut, président de la Section de Nice ; Dr Roussillon ; Chabrand, président de la Société des Touristes ; le délégué du Club Alpin italien ; Molines, président de la Section des Cévénnes ; Bourron, le dévoué secrétaire de la Société des Touristes ; le maire du Bourg d’Oisans ; Dr Girard ; Hermel, délégué des fêtes, et d’autres délégués des Sections du Club Alpin Français, parmi lesquels on remarque celui de Carthage, etc., etc.

Au Champagne, M. Collet se lève ; il passe en revue les travaux faits dans l’Oisans par la Société des Touristes du Dauphiné, en donnant à son énumération le plus vif intérêt, puis il exprime sa reconnaissance à la municipalité et à la population pour la magnifique réception qu’elle a préparée avec tant de dévouement ; il termine en levant son verre à M. Durier, à M. Viallet et à toutes les Sections représentées au banquet, enfin au Bourg d’Oisans. Après lui, M. Durier, vice-président du Club Alpin Français, tient tous ses auditeurs sous le charme de sa parole éloquente ; l’orateur adresse de chaleureux remerciements aux organisateurs de cette belle fête, au président de la Société des Touristes du Dauphiné et à tous les convives qui, par leur présence, s’associent au but commun de propager le goût de l’Alpinisme, qui sera le salut et la force des nouvelles générations. Puis M. Viallet, dans une allocution vibrante, dit que le Club Alpin et la S.T.D. poursuivent le même but et que les travaux entrepris par les deux sociétés donnent aux excursionnistes de l’Oisans en particulier, de précieuses facilités. Elles continueront leur œuvre dans la plus cordiale émulation. Puis, c’est M. Farraut, président de la Section de Nice, qui porte d’une voix vibrante, un toast à ses confrères. Enfin, c’est le tour du délégué italien ; il boit à la Société hospitalière qui lui procure la vive joie de crier : Vive l’Alpinisme et Vive la France ! il lève son verre à M. Carnot.

Le maire du Bourg d’Oisans remercie la Société des Touristes du Dauphiné d’avoir choisi le Bourg pour sa fête bisannuelle ; il espère que les alpinistes visiteront de plus en plus la région où ils recevront chaque fois le plus chaleureux accueil.

M. Chabrand, vice-président de la S.T.D., termine la série des discours par des accents sympathiques qui pénètrent le cœur de tous ; il lève son verre au dévouement et à l’intelligence des guides, dont il énumère les actes de courage ; il termine par ces paroles : « Ils sont tous les jours à la peine, nous avons voulu qu’en celui-ci ils soient à l’honneur. » Ces paroles sont couvertes d’applaudissements.

M. Hermel dit le sonnet ci-après, qui est distribué aux différentes tables, accompagné d’une fleur des glaciers :

Merci d’être venus dans notre bourg joyeux
Pavoisé par nos mains, de fenêtre en fenêtre,
Aux couleurs qu’arborait un glorieux ancêtre,
En cantonnant le bleu dans l’or de ses aïeux.

Au-dessus des sommets, le vif azur des cieux
S’unit aux chauds rayons d’un bonheur qui pénètre.
Cet immense bonheur que vous avez fait naître,
Tous nos cœurs ont voulu qu’il brillât à vos yeux.

Gardez de notre joie un souvenir fidèle,
Revenez chaque été dans un vol d’hirondelles
Et vous retrouverez le nid hospitalier.

La montagne jalouse à son tour étincelle,
Pour gagner vos faveurs, elle se fera belle.
Ce soir, demain, toujours, pourriez — vous l’oublier ?
Louise Hermel

Tous ces toasts sont accueillis avec enthousiasme.

Après le banquet, la plupart des convives se rendent à la cascade de Sarenne, où la fraîcheur du lieu et la beauté de la chute d’eau les retient jusqu’à la nuit.
À huit heures, la fête reprend ; les bords de la Rive s’illuminent comme par enchantement, les feux de joie s’allument sur les montagnes, la kermesse, installée sur les quais de la rivière, est tenue par les jolies jeunes filles qui, la veille, ont fait, avec une grâce charmante, les honneurs du punch. Dans les baraques, coquettement décorées aux couleurs du Dauphiné, s’étalent les fleurs, les londrès, le champagne et les liqueurs qui sont vendus, sans marchander, au profit des pauvres. Le produit de cette vente vient grossir la fructueuse quête faite la veille sous la halle. Bientôt le feu d’artifice répand sur les flots ses millions d’étincelles, le bal commence et jusqu’à l’aube les échos de la montagne répètent les accords d’un orchestre entraînant qui redit, par intervalle, l’air des Allobroges que toutes les mains et tous les cœurs applaudissent.

À cinq heures du matin, le cor des Alpes sonne le réveil, qui est pour les touristes le signal du départ, les mains se serrent une dernière fois et après s’être dit non pas adieu, mais au revoir, chaque caravane se dirige vers le point choisi comme but d’excursion.

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