La Visite des Mines d’or et d’argent de la Gardette

LA VISITE DES MINES D’OR ET D’ARGENT DE LA GARDETTE

Source Gallica : Bulletins de la Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire
Auteur : Société des sciences naturelles de Saône-et-Loire et mycologiques de Chalon-sur-Saône.
Date d’édition : 1897-06-01

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La Visite des Mines d’or et d’argent de la Gardette
 par M. Gossot, délégué à cette fin par la Société des Sciences naturelles de Chalon-sur-Saône.

Parti le 5 juin avec les membres de la Société qui ont exploré la Grande-Chartreuse, puis Vizille et leurs environs, j’ai poursuivi mon voyage jusqu’à Bourg-d’Oisans dont j’ai visité la Vallée et le pays. Nous sommes heureux d’en donner la vue en reproduisant un cliché que nous devons à l’obligeance de l’administration des mines de la Gardette.
Le Bourg-d’Oisans, d’une population d’environ 800 habitants, possède deux hôtels confortables, le Grand Hôtel et l’Oberland français. Le pays semble commerçant et prospère.
Les rues et plusieurs magasins, et même des maisons particulières, sont éclairés à l’électricité qui y est distribuée à profusion.
La vallée du Bourg-d’Oisans est plane et sa largeur n’a qu’environ 800 à 900 mètres. Elle se relève légèrement sur le côté sud.

Le Bourg-d’Oisans, est desservi par un tramway qui part de Grenoble en empruntant le chemin de fer de Gap jusqu’à Jarrie-Vizille et qui, de ce point, remonte la vallée de l’Oisans.
La distance de Grenoble à Jarrie-Vizille est de 14 kilomètres, et celle de ce point au Bourg-d’Oisans de 35 kilomètres.
Le trajet se fait de Grenoble au Bourg-d’Oisans en 2 h 55.
De Vizille au Bourg-d’Oisans, la vallée est bordée par des montagnes à pic d’une hauteur de plus de 2,000 mètres dont les sommets sont encore couverts de neige. Le coup d’œil de cette vallée est de toute beauté.
Une rivière, la Romanche, alimentée par les nombreuses cascades qui descendent des montagnes, coule à pleins bords et ses eaux ont l’aspect des flots de la mer en furie.
Elle fait manœuvrer plusieurs usines.
La vallée, au Bourg-d’Oisans, est limitée : au nord, par la montagne de Challanches qui renferme des mines d’argent, avec minerais variés d’antimoine, nickel, cobalt. Elle fait partie de la chaîne de Belledonne. Au nord-est par la montagne de Huez et par celle d’Auris. Entre les sommets de ces deux montagnes, on voit le sommet de la montagne
des Rousses dont l’altitude est de plus de 3,000 mètres.

Entre ces deux montagnes se trouve une forte cascade utilisée pour produire l’électricité dépensée au Bourg-d’Oisans. À l’est, par la montagne de Taillefer, puis par la montagne de Villards et de Saint-Jean (Villard-Notre-Dame), et au sud, par la montagne de la Gardette. Les montagnes de Challanches, des Rousses, d’Auris de la Gardette se composent en majeure partie de roches plutoniennes et les autres ont été formées par des sédiments calcaires dont on distingue les couches de dépôts successifs qui, sur les flancs dépourvus de végétation, produisent un très bel aspect géologique.

Le lundi 7, M. d’Alverny, ingénieur et directeur de la Société des mines d’or et d’argent de la Gardette, m’a conduit aux mines de la Gardette, et avec la plus grande courtoisie, m’a fait visiter les puits et les galeries où il exploite les précieux métaux.

Le filon principal se trouve à une altitude de 1,290 mètres, sa longueur est d’environ 1,100 mètres, allant de l’est à l’ouest.
En examinant ce filon au point de vue géologique, on voit qu’une crevasse s’est produite dans le granit soulevé. Laquelle a une largeur variable de 60 cents. à 1 m 50. En examinant cette fracture, qui est visible en plusieurs places sur une hauteur de 8 à 12 mètres, et dans deux puits creusés dans le filon, on constate que partout les deux côtés de la roche encaissante, qui est le granit gneissique gris à grains fins, sont presque parallèles, ce qui démontre que la crevasse est très profonde.

La matière remplissant la crevasse n’est pas homogène, car elle se compose de trois parties distinctes.

1o La spilite aurifère et argentifère est composée de quartz, de Silicates divers avec noyaux de carbonate de chaux cristallisé. Quelquefois la spilite se présente sous forme de roches caverneuses scoriacées d’aspect volcanique, par suite de la disparition des noyaux de carbonate de chaux ; dans l’autre partie, la spilite est tantôt verdâtre, tantôt grise et tantôt violacée, et elle ne contient point de calcaire. Il se présente alors sous la forme d’une roche composée de divers minéraux mélangés dans une pâte siliceuse. L’or s’y rencontre tantôt mélangé et tantôt sous forme de paillettes d’or natif. L’argent s’y rencontre quelquefois avec l’or et d’autres fois avec la galène argentifère et aurifère.

2o Dans quelques parties, on trouve des pyrites aurifères joignant la couche de spilite.

3o Et quelquefois, il s’y trouve une troisième couche, qui : enferme de l’oxyde de fer hydraté, laquelle contient aussi de l’or.

Dans le fond d’un puits creusé à une profondeur d’environ dix mètres dans le filon, on a trouvé des minerais extrêmement riches et dont un échantillon a été analysé par M. Bovey, chimiste de la Chambre de commerce de Lyon, et a donné une proportion d’or de 35 kilogrammes d’or pur pour 1,000 kilogrammes de minerai. Ceci est exceptionnel ; le rendement moyen des minerais ordinaires extraits jusqu’à ce jour est de 50 grammes d’or et 100 grammes d’argent par tonne. Divers autres filons d’or et d’argent existent dans le voisinage du filon principal et d’autres filons le coupent en se dirigeant au nord et au midi du filon principal.

Le 4 juin, courant, un gros filon a été découvert, lequel coupe le filon principal obliquement ; il paraît très riche.

L’exploitation commencée le 25 avril dernier est actuellement poursuivie par une trentaine d’ouvriers sur une dizaine de points de la concession.

M. d’Alverny m’a dit avoir commandé six machines électriques à perforer, qui lui permettront de faire dans un jour plus de travail qu’on en fait aujourd’hui dans une semaine, et ce, avec moins de dépense.

Nous avons ensuite visité les magasins où on dépose les minerais extraits, en attendant la construction de l’usine qui doit les traiter.

Puis il m’a autorisé à en choisir de toutes les catégories pour notre collection minéralogique. Dans le nombre de ceux que je rapporte, il y en a de très riches en or et en argent, ainsi que vous pouvez le constater. En arrivant, je les ai remis entre les mains de M. Jacquin, qui a bien voulu se charger d’en opérer le dépôt dans nos collections.

Après avoir visité les mines de la Gardette, j’éprouve la douce satisfaction de voir que la France, qui, du temps des Romains, passait pour le pays de l’or (eux-mêmes avaient exploité des minerais aurifères sur la montagne d’Auris, voisine de celle de la Gardette), n’a pas dégénéré. Il reste encore beaucoup de riches filons à exploiter, et par suite les Français pourront se procurer de l’or sans avoir recours aux Anglais, qui savent trop bien drainer l’épargne française, Chalon-sur-Saône, le 10 juin 1897.

F. GOSSOT.

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