Glanes dans l’histoire locale de la Meije

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La Meije vue du Chazelet hameau de la Grave, photo : Marcel Fleureau, Archives départementales des Hautes-Alpes

GLANES DE L’HISTOIRE LOCALE DE LA MEIJE

Source : Archives de Mme Louise Pudda
Extrait du Bulletin Paroissial La Grave.
Publication :  Bulletin mensuel L’écho de la Meije et de nos clocher Août-Septembre 1936

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GLANES DANS L’HISTOIRE LOCALE PRÉSENTE

L’Écho de la Meije se réveille, après un bon somme !
Il s’était endormi, parce que personne n’aurait fait cas de lui, personne n’ayant le temps de se livrer à la lecture durant l’été, au pays de la Grave ; les uns, parce qu’ils sont obligés de trimer comme des forçats ; les autres parce qu’ils ne songent qu’à la promenade à travers monts et vaux ! C’est pour ces motifs que notre petit Bulletin n’a point paru le mois dernier. À quoi bon user de l’encre pour noircir du papier qui ne sera point lu ? Mais avec la mi-septembre, les conditions de vie changent pour tous.

Les « galopins » s’arrêtent et les « trimards » se calment.

L’Écho peut se représenter. Il n’y avait plus qu’à le réveiller et le remettre sur jambes. C’est fait, puisque le revoilà, avec quelques nouvelles inédites dans sa poche.

1o LA SAISON TOURISTIQUE

Elle compte parmi les plus belles que notre pays ait connues. Que de monde dans nos villages et sur nos chemins durant le mois d’août dernier !

Au début de juillet, ça ne démarrait pas fort, et l’on craignait d’avoir une piètre saison. La crise, le mauvais temps et autres raisons semblaient refouler les touristes, mais dès la mi-juillet, ils se mirent à « rappliquer » chaque jour plus nombreux et si bien que durant le mois d’août, tous les hôtels, pensions et restaurants de la Grave et du Villar d’Arênes furent toujours bondés, les logements particuliers tous occupés, et un peu partout dans les champs l’on voyait de nombreuses tentes remplies de campeurs.

Il a fait un si beau temps durant ce mois d’août ! Nos cultivateurs en ont profité pour reprendre un peu d’avance dans leurs travaux qui étaient fort en retard et engranger leurs récoltes qui sont satisfaisantes cette année. Les touristes et villégiateurs ont pu se promener tout à leur aise et s’ébattre dans le bon air autant qu’ils en avaient besoin.

De cette façon, tout le monde fut bien content et l’on ne vit point ici des gens à mine triste ou « bolcheviste ».

Le Bon Dieu qui nous a donné tout cela en fut d’ailleurs bien remercié. Chaque jour, chaque dimanche, notre belle église fut bien fréquentée pour la prière, l’assistance à la sainte messe et la visite au Saint-Sacrement.

Il nous plaît de signaler la piété profonde des touristes qui villégiaturèrent dans la paroisse de la Grave. Chaque jour, des communions nombreuses, si nombreuses que les hosties manquaient toujours et que la bonne Sœur Emilienne, qui nous fournissait les hosties, se demandait avec anxiété si ses envois successifs n’arrivaient pas à destination.

Les dimanches, aux deux messes annoncées de 7 heures et 11 heures, notre belle église était bondée et l’on voyait encore des assistants aux messes qui se disaient dans l’intervalle.

Grâce aux prêtres villégiateurs qui sont venus aussi nombreux cette année, nous avons eu de belles cérémonies, de beaux chants et de beaux sermons. Et malgré que tout cela fut bien court, il y eut grande joie pour tous de les accueillir au passage. Dieu en soit remercié.

2o UNE MESSE À 3 987 MÈTRES

Le dimanche 9 août, le pasteur de la Grave avait la joie de réaliser un beau rêve qui le hantait depuis longtemps : celui de célébrer la sainte messe sur le sommet de la Meije.

Que de fois, en contemplant ce pic majestueux qui domine ses paroisses, il s’était surpris à murmurer : « Si je pouvais monter là-haut pour faire de cette cime un autel sur lequel le Bon Dieu descendrait en son Eucharistie, comme je serais heureux ! » Et ce vœu si cher et si tentant, qu’il croyait même irréalisable, s’est un beau jour réalisé. Le dimanche 9 août, conduit par un guide excellent, qui lui facilita beaucoup l’ascension, Paul Jouffrey, de la Grave, et suivi de sept amis dont trois prêtres du diocèse de Marseille, il avait la joie d’atteindre le sommet vers 10 heures et quelques instants plus tard de célébrer le Saint-Sacrifice pour les cinq paroisses de son canton qu’il embrassait d’ailleurs d’un seul regard. Le ciel était d’azur et le soleil brillait de tout son éclat. Grand calme du côté du vent et ce fut une corniche de neige blanche qui lui servit d’autel.

Des journaux ont voulu parler de cette première messe au sommet de la Meije. Ils n’ont pu que relater les difficultés de l’ascension — difficultés qu’ils ont d’ailleurs bien exagérées — mais ils étaient bien incapables d’en exprimer la beauté grandiose.

Que c’est beau, une messe célébrée sur le sommet de la Meije ! Quelle splendide cathédrale, dont la voûte est celle du firmament, dont les piliers sont faits de la multitude des sommets de la chaîne des Alpes, du Jura et des Cévennes ! Ce vide immense ! Cette harmonie des cimes ! Ce silence ! Et Dieu si près ! Le Tout-Puissant qui domine infiniment toutes ces grandeurs, se rendant présent dans une petite hostie que le prêtre élève sans peine vers le ciel.

Quel contraste ! Et quelle révélation de la bonté de Dieu !

Oui, cette messe inoubliable nous a surtout appris que Dieu est bon. Pour cela, nous l’en bénirons à jamais.

3o VISITE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Le jeudi 27 août, la Grave était en grande fête ! Pensez donc : elle avait l’honneur de recevoir, non pas dans ses murs — elle n’en a pas — mais dans son sein, le premier magistrat de la République, M. Albert Lebrun en personne.

La visite que M. le Président lui rendit ne fut point officielle, mais intime et sans aucun protocole. Elle n’en fut que plus agréable et plus goûtée. Vers midi trente, la voiture présidentielle s’arrêtait devant l’Hôtel de la Meije. À peine débarqué, M. Albert Lebrun était entouré, acclamé, pressé de toutes parts. Une petite fille rougissante lui offrait un bouquet et recevait en paiement deux bonnes claques et un sonore baiser. Pour ne pas se faire étouffer, notre Président était obligé de se réfugier sur un balcon de l’hôtel d’où, en contemplant la Meije, il se laissa longuement contempler et fusiller par les nombreux « kodaks » braqués sur lui.

Au déjeuner intime qui suivit, furent invités nos sympathiques conseillers généraux, M. Bois ; conseiller d’arrondissement, M. Jules Juge ; nos maires de la Grave et du Villar d’Arênes : MM. Jouffrey et Castillon, avec leurs adjoints : MM. Sionnet Léopold et Jean-Baptiste Albert, qui avaient été présentés au Président dès son arrivée par M. Pitsche (NDLR. Maurice Petsche). Au sortir du déjeuner, M. le Président fut de nouveau entouré, mais cette fois il prit la fuite vers le Galibier où le suivirent, avec les personnages déjà cités, la plupart des édiles du canton, le curé de La Grave et le docteur invités au vin d’honneur du Lautaret. Ces derniers furent présentés au Président au col du Galibier, et en lui présentant leurs hommages, ils le remercièrent profondément du grand honneur qu’il accordait à notre cher pays.

Et l’on vit M. le Président gravir prestement la rampe qui conduit à la table d’orientation du Galibier, suivi de M. Pitsche qui soufflait bigrement, et pour cause ! Mais qui fut admirablement fidèle au Président. Celui-ci contempla longuement le bel horizon qui s’ouvrait devant lui et déclara qu’il n’avait jamais vu un plus beau panorama.

Après la descente au Lautaret, l’offrande par les guides de la Grave d’un illustre « piolet » et d’un magnifique tableau représentant la Meije et la croix des Portes, après le vin d’honneur bien séché, le retour se fit vers la Grave où le Président mit encore pied à terre pour prendre congé de ses hôtes et partir au milieu des acclamations de tous.

Vive le Président de la République ! Vive le canton de la Grave après lui. Il s’en souviendra.

4o INCENDIE À VENTELON

Pourquoi faut-il qu’aux joyeuses nouvelles que nous venons de relater nous devions en ajouter une bien triste ? Le soir du 15 août, pendant qu’une belle procession aux flambeaux se déroulait dans le clos de la villa Saint-Jean, tout à coup des flammes sinistres s’élevaient au-dessus du petit village de Ventelon.

On ne pouvait croire à un incendie et pourtant c’était vrai. Pour des raisons encore ignorées, le feu avait pris vers les 8 heures du soir dans la maison de Mme veuve Sionnet.

Comme cette maison est située au nord-est du village et qu’à ce moment soufflait un vent violent du nord-est, il semblait que tout le village allait être consumé. Il n’en fut rien, Dieu merci. Bientôt le vent cessa. Les secours furent rapidement organisés et quelques heures plus tard le sinistre était conjuré. Nous avions à déplorer la perte de deux maisons, celle de Mme veuve Sionnet et celle de M. Sionnet Aimé, pour lesquels nous avons fait appel à la charité de tous car ils n’étaient pas assurés, et leurs pertes sont grandes.

5o LA VIERGE DE LA MEIJE

Le Bon Dieu étant descendu sur la Meije, la Sainte Vierge se devait d’y monter.

C’est ce qui est arrivé le 26 août dernier. Une belle statue de la Vierge qui avait passé l’hiver au Promontoire y fut portée ce jour-là par trois guides intrépides de Saint-Christophe : P. Brun, P. Turc et P. Danse, et scellée sur un petit rocher qui émerge sur le bord ouest du sommet.

Cette statue qui ne mesure pourtant que 90 centimètres se voit très bien de tous les coins de notre région, avec des jumelles bien entendu. Elle brille au soleil levant. Mais même lorsque l’œil nu ne la voit point, le cœur la devine et ce sera pour tous une grande joie de penser qu’en levant les yeux vers la Meije, ils rencontreront toujours l’image de notre Mère du ciel qui nous regarde. Merci aux Scouts de Grenoble d’avoir eu la chrétienne pensée de doter la Meije de cette belle statue.

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