Huit jours dans les glaciers de l’Oisans (6-7)

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1906 revue Les sports modernes La Grave La Meije

HUIT JOURS DANS LES GLACIERS DE L’OISANS
Les tribulations de huit intrépides aventurières et aventuriers sur un glacier de l’Oisans quelque part dans le massif des Écrins…

Source Gallica : Revue « Les Alpes Illustrées, publications du 29 juin 1893, No 24 au 10 août 1893, No 30

L’OISANS ET LA BÉRARDE
HUIT JOURS DANS LES GLACIERS – 1/7 – 2/7 – 3/7 – 4/7 – 5/7 – 6/7

Pendant que nous nous attachions de manière à former deux bandes de huit personnes, notre guide partit en avant pour tailler dans la glace les marches que nous allions gravir. Je ne peux pas vous dire combien il était étrange et saisissant de le voir comme un point sombre s’élever, à l’aide de son piolet, à peu près perpendiculairement à nous, sur cette masse éblouissante de blancheur ; car l’orage de la veille avait recouvert le glacier d’une neige aussitôt durcie. — Nous perdîmes notre guide de vue vers le sommet ; puis nous le vîmes de nouveau apparaître et grandir, à mesure qu’il redescendait nous chercher.

Ce glacier franchi, l’ascension devint plus difficile. Elle se poursuit dans des cheminées et sur des crêtes de roches où le danger — surtout lorsqu’on est nombreux — vient des pierres qui peuvent se détacher sous le poids du corps et entraîner avec elles ceux qui suivent. Aussi serrons-nous les intervalles de telle sorte que chacun de nous ait la tête à la hauteur des genoux de celui qui le précède ; nous marchons aussi légèrement que possible et nous gardons le plus complet silence.
À 11 heures et demie, nous débouchons au sommet du col, et dans un éblouissement de féérie, nous découvrons le plus merveilleux panorama que nous ayons encore rencontré.

Derrière nous, la Meije et le Râteau resplendissent au soleil, tandis que devant nous s’élèvent la Grande Ruine, Roche-Méane et toute une série d’autres sommets blancs de glaces. Comme fond de tableau, semblable à une vaste plaine moutonneuse, apparaissent les montagnes de Briançon. Nous jouissons délicieusement de ce spectacle, malgré les poussières glacées que le vent arrachait à la montagne pour nous les jeter au visage.

Nous trouvâmes le moyen de camper sur ce col, aussi étroit qu’une crête de mur, et d’y déjeuner. M. Tairraz nous réservait une agréable surprise, et nous entendîmes tout à coup sauter le bouchon d’une bouteille de champagne. Il nous parut exquis en proportion de l’altitude et nous donna à tous l’énergie nécessaire pour faire gaiement la descente, que la neige nouvellement tombée nous facilita du reste beaucoup.
Pour être tout à fait véridique, j’ai pourtant quelques chutes à signaler ; mais elles furent toutes plus comiques que dangereuses.

À un moment, une crevasse recouverte de neige s’ouvrit brusquement sous les pieds d’Henri. Oubliant la corde qui l’attachait, il prit son élan et sauta la crevasse, dans laquelle la secousse m’entraîna jusqu’à mi-corps, pendant que Mlle Sagnier, qui me suivait, s’asseyait plus vite qu’elle n’aurait voulu. Des éclats de rire nous avertissaient de temps en temps que l’autre corde avait ses mésaventures tout comme nous et même plus fréquemment. Aussi nos huit compagnons prirent-ils un grand parti ; nous avions dépassé les deux tiers du glacier, quand nous les vîmes passer à côté de nous, assis en file indienne et glissants avec une rapidité que leur aurait enviée un train de banlieue. Mme Georgé, assise au milieu d’une envolée de jupes, était particulièrement amusante, et il est regrettable que cette fantastique glissade n’ait pas pu avoir les honneurs d’un instantané.
Je m’empresse de vous déclarer que je désapprouve d’une manière complète cette manière de descendre les glaciers qui, lorsqu’on ne les connaît pas ou lorsqu’on n’en voit pas l’extrémité, peut occasionner de graves accidents, soit en vous précipitant dans des pics que vous ne voyez que trop tard, soit en vous entraînant tous dans des crevasses cachées par la neige, comme celle qui s’était ouverte sous les pieds d’Henri. C’est pour cette excellente raison que je recommande aux touristes qui veulent éviter toute chance d’accidents de descendre tranquillement comme nous le fîmes, et nous arrivâmes au bas du glacier presque aussi vite que nos camarades, sans avoir à endurer le bain de siège glacé dont ils se plaignaient et qu’ils devaient à leur glissade dans la neige.

Nous atteignîmes à une heure et demie le bas du glacier où commençait une moraine de plusieurs kilomètres dont nous devions suivre l’étroite crête pour continuer notre route que nous reprîmes après un repas d’une heure.
Le parcours de cette moraine n’est pas sans difficulté, tant à cause de la hauteur de ses lianes à pic que du peu de largeur de l’arête friable qu’il nous fallait longer, mais nous avions déjà fait le plus difficile et nos pieds s’accoutumaient aux espaces insuffisants. À mesure que nous longions le torrent du Clôt des Cavales, nous laissions à notre droite Roche Méane et ses admirables glaciers que nous ne pouvions nous lasser de regarder.
Quand nous parvînmes à la jonction du torrent du Clôt des Cavales et de la Romanche, nous nous arrêtâmes pour admirer la Fourche de la Plate des Agneaux et, dans le fond, le col de la Roche-Faurio qui couronne les glaciers où la Romanche prend sa source.

Saint-Romme.
À suivre…

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