La conspiration Didier, quelques précisions

FEUILLETON HISTOIRE
LA CONSPIRATION DIDIER ET L’OISANS
— 1816

QUELQUES PRÉCISIONS

Le feuilleton Didier.
Épisode 1Épisode 2Épisode 3 — 
Épisode 4 — 
Épisode 5 — Épisode 6 — 
Épisode 7 — Épisode 8 — Épisode 9 — 
Épisode 10 — Épisode 11

Sources consultées : 

  • LIVRES :  
    [JR] Histoire de la conspiration de Grenoble en 1816, par Joseph REY,
    Édition originale : 1847. Édition numérique en ligne Hachette. 
    [LC] Oisans Recherches historiques, Louis CORTÈS : chapitre sur l’affaire Didier.
  • PRESSE : 
    [PR] Divers articles de presse contemporains et postérieurs aux faits.
  • ARCHIVES
    [GA] Recherches sur Gallica.
    [AG] Archives GLAUDAS.

NOTA : Dans cet article je ne vais pas développer le profil très torturé et changeant en fonction des époques de Jean-Paul Didier, mais simplement m’attarder à ses interactions avec l’Oisans. 

Didier pose les bases de sa conspiration en Oisans, un territoire qu’il connait bien :
– En 1787, il est associé avec son beau-frère Drevon et Vial dans le projet d’acquisition du domaine des Sables. [LC] [AG]
– En 1810, il est à nouveau présent en Oisans et travaille à l’exploitation de la mine des Chalanches où il rencontre Dussert. [LC] [JR]
– En 1814, il travaille à l’amélioration du tracé de la nouvelle route vers l’Italie (actuelle RD 1091). [JR] [GA]
Il sort de ces deux dernières entreprises, complètement ruiné. 

À partir de la fin de l’année 1815 et pendant six mois, Didier parcoure le Dauphiné et plus particulièrement notre département pour rallier à sa cause d’anciens soldats ayant servi sous Napoléon, mécontents, frustrés et irrités par le retour de Louis XVIII. [LC] [JR]

En novembre 1815, Didier participe activement au mouvement insurrectionnel de Lyon.
Le 20 janvier 1816, il échappe miraculeusement à l’arrestation des conjurés et se réfugie en Oisans. [LC] [JR]

Le 26 février 1816, un courrier envoyé par M. Bastard de l’Étang, commissaire général de police, informe le préfet de l’Isère que :  – « Il est à craindre que les actes séditieux qui viennent d’avoir lieu dans la commune d’Allemont, au hameau du Rivier… Ces actes décrits sont perpétrés par un certain Lecamus, ancien militaire décoré est mis sous surveillance, car considéré comme suspect pour ses opinions. » Le procès révélera que Lecamus jouait en quelque sorte le rôle d’« estafette » pour Didier. [JR]

C’est à partir de cette période, deux appuis de taille aideront Jean-Paul Didier dans son nouveau projet d’insurrection : 
M. Pierre-Joseph* DUSSERT, ancien guide de l’Armée des Alpes (son surnom « Le Guide »), maire destitué de la commune d’Allemont en 1813, et M. Martin* DURIF ex-maire de Vaujany en 1815. [LC] [JR] [PR] [GA] [AG]
Les deux hommes sont depuis peu parents par alliance par la femme de Dussert. [GA]

*Tous les documents que j’ai consultés, livres, notes, articles de presse nomment les deux personnages simplement
« Dussert » et « Durif » sans jamais donner les prénoms. Toutefois, M Denis VEYRAT que j’ai questionné sur le sujet me donne cette réponse : 
Maire d’Allemont : 1809 -1813 Pierre-Joseph DUSSERT ; puis de 1814-1815 Paul ARNOL ; puis de 1816-1821 Pierre DUSSERT.
Maire de Vaujany : 1807 -1815 Martin DURIF ; puis 1816 – ? André JACQUEMET.

Ces deux hommes, ambitieux et aigris, contre le gouvernement qui leur avait arraché leur écharpe municipale, joueront un rôle très actif dans l’organisation du complot, et resteront jusqu’au dernier moment, deux des agents les plus dévoués à Didier.
Ces deux affidés faisaient partie des six complices reconnus comme les plus actifs dans le projet d’insurrection (avec également : Jean Cousseau, Biolet, Buisson et le colonel André Brun). [LC] [JR]

Les descriptions faites de Dussert laissent apparaitre un personnage au tempérament volontaire, robuste et aventureux. [LC] [JR] [AG]

Durant le procès, les déclarations de Dussert font ressortir qu’il était en Oisans, l’un des premiers convertis à la cause de Didier qu’il connaissait de longue date, car ils étaient avant tout d’anciennes relations dans l’exploitation des mines des Chalanches d’Allemont comme nous l’avons dit plus haut. [JR]

C’est à Livet, entre le 7 et le 8 janvier 1816, que Didier revoit sans doute pour la première fois Dussert qu’il questionne pour connaitre son état d’esprit avant de lui présenter son projet. Dussert, sans difficulté, montre un intérêt certain pour le plan qui vient de lui être exposé. 
Avant le mouvement d’insurrection, les deux hommes se revirent à d’autres occasions. [JR]

Durant le procès, et au fil des interrogatoires, les déclarations de Dussert et Durif laissent apparaitre que Didier avait tout au long de cette alliance et encore pendant leur fuite en Savoie, fait de nombreuses promesses sur l’arrivée prochaine de Marie-Louise d’Autriche et de son fils, Napoléon II, mais aussi sur le concours de l’Autriche, ainsi que d’autres puissances et de divers personnages importants, nationaux ou étrangers dans cette insurrection.
Durant les auditions, Didier réfute ces déclarations en présence de Dussert et de Durif, sans jamais les accuser d’imposture ou de mensonges, mais plutôt de méprise ou d’incompréhension de leur part. [JR]

Durif, quant à lui, bien que présent tout au long de l’histoire et dans les différentes pièces consultées, il n’y apparait jamais seul, mais toujours en présence de Dussert. [LC] [JR] [PR] [GA]
Il est décrit comme plus fin et rusé que Dussert, dans une note de police il est indiqué : « un fameux brigand » sans plus de précision. [AG]

Il est à noter que la « Petite Route » (actuelle RD1091) comptait également dans la stratégie de Didier, de la coalition de toutes les vallées voisines Grésivaudan, Vizille, la Mure, Lafrey… et d’un soulèvement venu du centre de Grenoble. [JR] [PR] [GA]

Autre point intéressant, au moment ou l’insurrection prend de l’épaisseur, M. Drevon, beau-frère de Didier (associé au projet d’acquisition du domaine des Sables), royaliste convaincu, prend contact avec le préfet, M. de Montlivault. Il lui propose de faire cesser toutes les menées conspiratrices, et de livrer Didier qu’il considère comme honnête homme, dont il connait la retraite, contre quelques garanties, dont celle d’une arrestation sans violence et d’un simple éloignement du territoire comme sanction. M. de Montlivault indique à M. Drevon que les bruits étaient vagues, et que Didier ne risquait pas d’être arrêté. [JR] [GA]

Lors de l’attaque, une des colonnes venues du Bourg-d’Oisans commandées par un certain Guillot arrive avec beaucoup de retard. Elle charge le détachement du colonel Vautré ; puis se disperse après une première décharge de mousquets et malgré les imprécations de Didier visant à rassembler les fuyards.
Lors de son procès, Didier indiquera que le retard du détachement de l’Oisans, qui reçut un faux avis transmis par un traitre à la cause, était sans doute l’une des raisons de l’échec de son entreprise. [LC] [JR]

Parmi les conjurés figure Pierre Belin, menuisier de 44 ans, habitant Livet. Il est arrêté et jugé puis exécuté le 15 mai.
Le Gouvernement de juillet (ou gouvernement de Louis-Philippe), ancien duc d’Orléans, pour lequel Didier a combattu, pensionnera les victimes de l’insurrection de 1816 et accordera une pension annuelle aux trois enfants du menuisier Pierre Belin : – André Belin : 180 francs. – Jean Belin : 180 francs. – Louise Belin, femme Rambaud 120 francs. [LC]

Après cette déroute, Didier s’échappe. Il arrive le 5 mai dans une cabane du Rivier-d’Allemont où il se réfugie plusieurs jours. Il sera rejoint par d’autres conjurés, Dussert, Durif, Cousseaux. [JR] [PR]

Le 7 mai, Didier, Dussert et Durif arrivent à Saint-Sorlin-d’Arves. [LC] [JR]

Arrestation de Didier.
Jean-Baptiste Sert, du Rivier-d’Allemont (une source le localise à Oz [AG]), beau-frère de Dussert (et donc parent par alliance avec Durif), étant convaincu que Mme Dussert connait la retraite des fugitifs, va la trouver et lui laisse entendre que le seul moyen d’obtenir la grâce de son mari et de Durif, est de livrer Didier aux autorités.
Lors du procès, M. Dussert contestera cette version et attribuera la découverte de leur retraite à un autre moyen qu’aurait employé Sert, peut-être pour dédouaner sa femme.
D’autres versions publiées dans le journal Le Temps implique Balmain l’aubergiste, une autre version plus contestable encore, présente Dussert et Durif comme délateurs. [LC] [JR] [PR] [GA]

Le 9 mai, Sert se rend à la préfecture de Grenoble pour indiquer la cache de Didier contre la promesse de la grâce de Dussert et Durif. Selon son témoignage, il refuse la récompense de 20 000 frs. (D’autres sources indiquent qu’il ne prend que la moitié de la somme ou encore qu’il partage avec Balmain. Accordons-lui le bénéfice du doute.) [JR] [PR] [GA]

Sert retourne escorté de cinq gendarmes pour arrêter Didier, mais ce dernier avait déjà été stoppé dans sa fuite par les carabiniers piémontais qui avaient contraint Balmain, l’aubergiste, à les informer et de les accompagner jusqu’à la cache de Didier, dans le moulin de Saint-Jean-d’Arve.
(Une autre version publiée dans la gazette de France le situe dans une écurie appartenant à un certain Pierre Sibuet.) [PR]
L’action de Sert était donc rendue inutile, néanmoins il sera contraint de quitter le Rivier chassé selon ses dires par la haine de ces compatriotes outrés par sa dénonciation. [LC] [JR] [PR] [GA]

Durant sa fuite et au moment de son arrestation, Paul Didier est décrit à plusieurs reprises comme un vieillard, pourtant, il n’a que 58 ans. En janvier 1816 avant l’insurrection, un témoin en fait cette description : « … dans un état absolu de dénuement, n’ayant pour tout bagage qu’une sorte de cartable qui paraissait à peu près vide. Sa chaussure tenait à peine à ses pieds, qui étaient ensanglantés, et il avait été obligé d’attacher l’empeigne de ses souliers autour du cou-de-pied avec des lisières. » [JR]

Douze ans plus tard, Jean-Baptiste Sert revient au Rivier-d’Allemont, mais le pays n’a pas oublié sa dénonciation. L’opprobre ne le quitte pas ainsi que sa famille à en croire ce courrier que Sert adresse au ministre de l’Intérieur en 1828. [LC] [JR]

« J’étais bien loin de prévoir qu’une action commandée par mon zèle allait devenir pour moi et ma famille une source de persécution et de ruine : qu’il me faudrait abandonner une propriété qui valait au moins 45 000 fr, pour aller régir une perception dans le département de la Nièvre, pour m’éloigner de mes nombreux ennemis.

À la vérité, elle me fut confiée très généreusement ; je fus dispensé de verser mon cautionnement en entrant en fonctions ; elle m’offrait un revenu de 1 800 fr, mais qui, à chaque exercice, diminuait de 40 à 50 fr, par la réduction des contributions. Le peu qui me restait ne pouvait plus faire subsister ma nombreuse famille, qui est de six enfants, et veuf que je suis.

Considérant alors que j’avais abandonné une propriété assez considérable, que dix années s’étaient écoulées depuis ma triste expatriation, et qu’après un si long temps je n’aurais peut-être plus d’ennemis au pays, ces malheureux motifs m’ont décidé, les larmes aux yeux, à dire adieu à mes très honorables et respectables chefs et à mes braves contribuables.

À mon retour, j’ai trouvé mes bâtiments en ruine, mes forêts dévastées, mes propriétés usurpées, et les plus grands malheurs et la persécution ont recommencé pour moi, comme en 1816.

Ma position est telle, Monseigneur, que je suis forcé de me tenir à l’écart et toujours isolé comme celui qui a fait un grand crime.
Voilà douze mois que je n’ai pas pu assister au saint sacrifice de la messe.

On s’en prend à tout ce qui m’appartient ; mes enfants sont souvent maltraités ; c’est ce qui les force à me faire de sanglants reproches pour avoir fait arrêter un brave homme que tout le monde regrette, sans que les Bourbons m’en aient aujourd’hui aucune obligation.

J’avais longtemps ignoré que la faction avait établi son quartier général au Bourg-d’Oisans depuis le mois de novembre 1815 jusqu’au mois de mai 1816. Après avoir échappé à la recherche de la police de Lyon qu’il voulait aussi révolutionner, et au grand mépris des lois, il vient continuer sa conspiration en présence de tous les fonctionnaires publics du lieu, maires, notaires, receveurs de l’enregistrement, percepteurs, qui s’étaient coalisés avec lui, trahissant leur roi et leurs serments ; ainsi, jugez des autres.

Cela n’empêcha pas que Monseigneur le Dauphin fut reçu aux cris de vive le roi ! lorsqu’il passa au Bourg-d’Oisans, après cet événement.

Les perfides l’ont fait coucher dans le lit où le perturbateur avait couché pendant six mois. Le prince clairvoyant dit à son hôte que c’était ici le foyer de la conspiration ; mais l’hôte nia le fait ; et le bon prince n’a pas été loin qu’ils en ont fait une risée ensemble : voilà l’esprit des habitants du pays que j’ai le trop grand malheur d’habiter : jugez-le bien qu’ils me veulent. »

« Sans compter ses enfants qui habitent Grenoble, et qui sont aussi témoins que mon attachement sans bornes à la légitimité et au repos public m’a poussé à conduire leur père entre les mains de la justice, et sur l’échafaud où il a perdu la vie, pourront-ils jamais me le pardonner ? » [JR] (Ce passage n’est pas présent dans le livre de Cortès.)

« C’est dans cette position, Monseigneur, que je me vois forcé de solliciter un prompt et dernier secours du gouvernement paternel, soit qu’on veuille me rembourser la valeur de ma propriété que j’abandonne au gouvernement, à 30 % au-dessous de sa valeur réelle. » [LC] [JR] [GA]

NOTA : À cette heure, je n’ai pas trouvé ce qu’il advint de Dussert et Durif.

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